Dons ou malédictions ?
Le ciel a fait à la République démocratique du Congo quatre dons majeurs : une terre très fertile, une forêt riche et variée, de l’eau douce en abondance et des richesses minières abondantes et diversifiées.
Ces dons apparaissent pourtant, à y regarder de plus près, comme de véritables malédictions. Tenez !
2.500.000 km2 de terres sur lesquelles la plus grande forêt, après celle du Brésil et près de 120 millions d’hectares de terres arables, derrière le Brésil aussi. Selon l’ancien vice-président américain Al Gore, dans son ouvrage, « Le futur », 48,8 % de ces belles terres ont déjà été cédées à des étrangers au détriment du peuple congolais.
De manière plus générale, la forêt congolaise est l’objet d’une destruction systématique due non seulement à des causes naturelles, mais aussi et surtout à des causes humaines internes et externes dont le pillage et le trafic des bois précieux.
La convoitise des voisins n’est pas satisfaite, d’où, tous ces mouvements à nos frontières.
Les mines sont la cause directe des millions de morts comptés à l’Est de la RDC; il n’est point besoin d’épiloguer là-dessus, le monde entier le sait ! La menace à propos de l’eau du Congo est une donne que l’on ne semble pas prendre très au sérieux. Elle est pourtant réelle, mais elle n’est connue que des initiés.
Inégalités et injustices divines ?
Quelques statistiques illustrent de manière dramatique les inégalités que la nature a, elle-même, organisée en défaveur des pays voisins de la RDC ; ces inégalités expliquent la convoitise des voisins proches et plus lointains.
– La densité des populations, est totalement déséquilibrée, dans les différents pays frontaliers, et se présente de la manière suivante :
RD Congo | 43h/km2 |
Rwanda | 470/km2 |
Burundi | 435/km2 |
Ouganda | 179/km2 |
Parmi ces populations, des éleveurs et des agriculteurs, qui ont besoin des terres agricoles et des pâturages que la RDC possède.
– Les richesses minières de l’Afrique centrale sont globalement concentrées en RDC.
En RDC, laver une voiture est quelque chose de normale alors dans des pays comme le Tchad et plus loin, la Mauritanie, cet exercice relève de l’exploit. La déclaration intempestive, menaçante et belliqueuse de feu monsieur le Président Idriss Deby illustre parfaitement ce sentiment de dépit et de « jalousie » que peuvent ressentir les autres peuples sur la manière dont la RDC est bénie par la nature.
Mais quand vos voisins ont des besoins cruciaux et qu’à leurs frontières, ils peuvent trouver de quoi les satisfaire ; que pendant près de 50 longues années, votre mauvaise gouvernance et un leadership distrait, cupide et inconscient a fait que votre pays est faible, ils ont tendance à venir se servir, n’est-ce pas ?
Le majestueux fleuve Congo. Une richesse insoupçonnée.
Revenons à l’eau pour faire l’état de la question et en circonscrire la problématique. Le fleuve Congo, le deuxième, en Afrique, par sa longueur, après le Nil, et au monde, par son débit, après l’Amazone brésilien, s’étend sur 4 374 km. Il a comme confluent la Lualaba et la Luvua, dans le sud ; il reçoit les eaux de ses importants affluents, dont l’Aruwimi, et la Lomami, mais surtout, l’Oubangui et le Kasaï.
Notons, pour la suite de cet article, que le débit du fleuve Congo, à son embouchure dans l’océan Atlantique, est, en hautes eaux, de 34 000 m3/s. En clair, ceci signifie que 34.000.000 de litres d’eau douce se déversent dans l’océan, et sont donc perdues pour tout le monde.
Pourquoi cette menace de l’ancien président tchadien ?
L’attitude et la déclaration de l’ancien président tchadien s’expliquent par les considérations suivantes : Le Lac Tchad, à partir duquel les 4 pays ci-après, Cameroun, Niger, Nigeria et Tchad, s’approvisionnent, est en phase de dessèchement très avancée.
En cause :
la progression du désert, l’irrigation des cultures, l’érection de trois barrages dans le bassin du Tchad, le déboisement en couverture des besoins énergétiques des populations, l’implantation humaine dans les terres libérées par l’assèchement,
la baisse de la pluviométrie dans cette région, le réchauffement climatique, la forte croissance démographique. Il faut, à propos, de cette démographie, signaler qu’elle a globalement quintuplé en 40 ans. Le Nigéria, par exemple, comptait en 1961, 38 million d’habitants ; il en compte plus de 200 millions aujourd’hui.
Des projets en gestation ?
Ces pays ont un besoin vital d’eau ; et, déjà, un certain nombre de projets ont été mis sur la table, dans différents cadres institutionnels internationaux. Notons les deux plus importants, qui visent le même objectif d’alimenter le lac Tchad mais se différencient par la source de captage des eaux :
– le projet Oubangi, qui consisterait à tirer l’eau à partir de la rivière Oubangi.
– le projet Transaqua, dans lequel les mettant en avant les risques de déséquilibre environnemental et de perturbations de toutes sortes.
La mort du président Deby, une nouvelle donne ?
Le président tchadien est mort depuis ce mois d’avril 2021 ; nous avons le sentiment que la donne n’a pas changé sur le fond. Le problème reste entier, parce qu’il n’est pas conjoncturel. La menace persiste, parce que cette affaire de l’eau est une question de vie ou de mort pour les populations de ces régions. Le problème reste entier, même si l’approche d’une solution pouvait être différente.
De la même manière que les migrants prennent des risques pour rejoindre les eldorados européens dans des soutes des navires ou sous les ailes d’un avion, de même ces populations déploieront toute leur énergie et toutes les stratégies, y compris la violence, pour parvenir à satisfaire leurs besoins.
Emmanuel-Victor Efomi