Depuis le 5 septembre 2022, le Kenya a un nouveau Président en la personne de William Ruto. Après de mouts tractations et contestations devant la Cour Suprême, l’ancien Vice Président remporte les élections au détriment de son challenger Raïla Odinga. Place à présent aux nombreux défis qui attendent le Président entrant avec, en premier ressort, la relance de l’économie, plombée par les crises endogènes et exogènes.

C’est sur le fil du rasoir que les jeux ont été faits. A l’arrivée, le Vice Président, William Ruto bat l’opposant Raïla Odinga par 50,5% des voix. Il devient ainsi le 5ème dirigeant du pays depuis l’indépendance en 1962.

Le scrutin de 2022 a en effet marqué une rupture : d’ordinaire centrées sur le clientélisme ethnique, les élections se sont jouées cette fois sur le terrain économique et les préoccupations quotidiennes des Kényans. Des thèmes d’autant plus porteurs que 33 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, selon la Banque mondiale.

La pandémie de Covid-19 a fait plonger 2 millions de personnes dans la pauvreté, doublant au passage le taux de chômage du pays (10,4 %). Les prix de la farine, de l’essence, de l’huile de cuisson et d’autres produits de base ont presque doublé en un an, piégeant une classe populaire déjà fragilisée.

Ce jour « marque la fin de la politique de tromperie, de trahison, d’escroquerie », a lancé, William Ruto, dans son discours de victoire. Le défi majeur qui se pose au nouveau Président est sans conteste la relance de l’économie avec, comme premier objectif, réduire le taux de chômage. Selon l’Organisation internationale du travail, ce dernier est de 14% alors que les chiffres officiels donnent la moitié.

A 55 ans, William Ruto devient le cinquième président de l’histoire du Kenya (Source : sahutiafrica.net)

La promesse des 100 jours

Dans sa promesse de campagne, William Ruto a donné 100 jours pour faire baisser le coût de la vie au Kenya. Objectif noble. Dans cette vision, deux piliers sot actionner en vue de faire bouger les lignes : la lutte contre la corruption et rassembler les Kenyans.

L’inflation a encore grimpé au mois d’août. Elle atteint 8,5% son plus haut niveau depuis cinq ans sous l’effet cumulé du Covid-19, de la guerre en Ukraine et de la sécheresse qui devraient continuer de s’aggraver au cours des prochains mois. Pour y arriver, William Ruto promet, entre autres, d’investir massivement dans l’agriculture.

La question du prix des denrées alimentaires de base est d’autant plus aigüe, surtout avec la crise en Ukraine. « Il est important qu’il arrive à recréer de la cohésion et une forme d’unité avec son rival, analyse Murithi Mutiga, directeur Afrique à l’International Crisis Group, au micro de notre correspondante Florence Morice. Je pense qu’il a de bonnes cartes en main dans la mesure où le président sortant Kenyatta a perdu de sa stature.

Ruto a surpris beaucoup de monde en raflant la majorité des voix y compris dans la région et même dans la circonscription du président Kenyatta. Par ailleurs, suite au ralliement de candidats indépendants, il devrait être en mesure de contrôler le parlement.

Donc en théorie, Kenyatta ne peut pas faire grand-chose pour l’empêcher de mettre en œuvre son programme, mais il reste que les partisans d’Odinga sont très amers du résultat de l’élection.

Il sera donc important d’observer, par exemple, ses premières nominations, ses déplacements et les personnes dont il choisira de s’entourer, pour voir s’il sera inclusif, et s’il saura montrer qu’il entend gouverner pour tous les Kényans et pas seulement pour ceux qui l’ont soutenus.»

En rappel

L’économie kenyane a progressé de 6,7 % en 2021, après une contraction de 0,3 % en 2020. La croissance est tirée du côté de l’offre par les services et, du côté de la demande, par la consommation privée, les deux secteurs ayant bénéficié des politiques de soutien et de l’assouplissement des restrictions liées à la COVID-19.

L’inflation s’est accrue à 6,1 % en 2021 contre 5,3 % en 2020, reflétant l’augmentation des coûts des intrants. Le déficit budgétaire est descendu à 7,9 % du PIB en 2021 contre 8 % en 2020 grâce à des recettes plus importantes, à l’arrêt des baisses d’impôts avec la reprise de l’économie et à une rationalisation des dépenses.

La dette publique a bondi à 68 % du PIB à fin juin 2021, contre 63 % en 2020, tirée principalement par le déficit primaire. Le Kenya est estimé à haut risque de surendettement. Le déficit du compte courant s’est creusé à 5,2 % du PIB en 2021 en raison d’une augmentation du déficit commercial.

Les réserves internationales ont atteint 8,8 milliards USD à la fin du mois de novembre 2021, contre 8,1 milliards USD en 2020 (5,4 mois de couverture des importations), reflétant l’allocation de DTS de 737,6 millions USD, dont la moitié a servi à financer le déficit budgétaire. Le taux de change s’est déprécié de 3,7 % en glissement annuel en 2021.

Le secteur bancaire est rentable, liquide et bien capitalisé ; les rendements des titres d’État, l’indice NSE-20 ainsi que la capitalisation boursière ont augmenté. Le nombre de personnes en situation de pauvreté extrême est descendu à 16 % en 2021 contre 17 % en 2020, et le chômage est passé de 14,3 % en 2020 à 12,3 % en 2021, ce qui peut être attribué à la croissance du revenu par habitant, aux programmes de filets sociaux et à la reprise économique.

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