« Un peuple qui a la mémoire courte est un peuple qui n’a pas d’avenir »

Par David Gakunzi (Mémoire du Monde noir)

Haïti : Les Jacobins noirs

Le 1er janvier 1804, à la suite d’une violente révolte d’esclave, Saint-Domingue devient Haïti, la première république noire indépendante de l’Histoire.
Messieurs : cric ! Mesdames : crac !
Ce jour-ci une métamorphose mémorable a lieu à des lieux des Caraïbes.
Les tambours ont roulé, grondé, hurlé. Le message, le sermon s’est répercuté du gommier au filao, du poirier au cocotier, du palmier à la canne à sucre : « Devant la postérité et l’universalité, jurez : plutôt mourir que vivre esclaves ».
Le peuple vendu, le peuple marchandé, le peuple acheté, le peuple houe s’est métamorphosé en peuple-machettes.
Machettes qui coupaient la canne à sucre, Machettes qui coupent les têtes.
De France, d’urgence, Napoléon a envoyé son beau-frère Leclerc avec des milliers de soldats pour remettre les choses à leur place. C’est-à-dire les fers sur les jambes des nègres. Les machettes invisibles, imprévisibles, ont volé plus rapide, plus tranchant, plus haut.
Ci-gisent décapités Leclerc et des milliers de ses soldats qui croyaient profondément que tous les hommes naissent les uns plus égaux que les autres. Ce jour-ci, de sueur et de sang, de Saint-Domingue est née Haïti, la première république noire.

CLR James : Historien de la révolte

Né le 4 janvier 1901 à Trinidad, CLR James a été durant toute sa vie un militant de l’émancipation africaine, et surtout un grand historien de la révolte des esclaves à Saint-Domingue.
Que dire ? Toussaint Louverture le Jacobin noir, Jomo Kenyatta le javelot flamboyant,
Kwame Nkrumah l’apôtre de l’unité africaine. Que dire ?
Les Caraïbes et la tête engoncée dans les épaules. L’Amérikkke et la senteur des champs de coton.
L’Afrique et les sept déserts de feu les sept mers de sang à traverser pour la délivrer. Que dire ? L’Afrique sujet agissant, façonnant son destin selon ses propres intérêts. Pour dire tout ça. Il y eut CLR James.

Ngugi : L’Apôtre de la vérité

Né en 1938 près de Nairobi, Ngugi Wa Thiongo est l’écrivain du Kenya qui a su le mieux saisir à travers son œuvre les différentes luttes politiques qui ont marqué l’histoire contemporaine de ce pays.
Au lendemain des victoires, quand les derniers colons s’en vont chassés ou osent se démettre de leurs fonctions. Quand les traitres sont punis et les héros démasqués ; Quand les nouveaux maîtres arrivent, s’installent et régentent assis sur whisky et bagnes ; il s’arma de mots qui ne mettent pas et tint haut la rampe de feu du regard du peuple de la rue.
Contre les géniteurs de la misère, contre les langues fourchues de la cupidité, contre les gardiens de l’ignorance, il cracha le feu. Pour chasser les démons du passé et du présent.

Le 6 janvier 1959 : Le sang à Léo

Le 4 janvier 1959, l’administration belge interdit une manifestation de l’Abako (association du peuple bakongo). C’est l’émeute. La répression qui s’ensuit, les jours suivants, est féroce.
A Léo, à Léopoldville le sang, le sang, le sang. A Léo, à Léopoldville, la terre est empourprée de sang. Las du silence, des congolais voulaient parler. Parler, parler, parler, la force publique n’était pas d’accord. Coups de feu, coups de feu, coups de feu.
S’ils s’obstinent à faire de nous des héros, on va voir, se disent alors les gens.
Mais quels gens, quoi ces gens ? Bras et corps, corps et âmes levés, des Congolais qui sortent leurs corps du silence des nuits.
A Léo, à Léopoldville rien ne sera plus comme avant.

Massacre de 1904 : Le général Von Trotha a dit

A la suite d’une révolte de Héréros contre la dépossession de leurs terres par les colons, le 11 janvier 1904 débute ce qui sera l’un des plus grands massacres de l’Histoire coloniale allemande : l’extermination d’un quart de la population héréro.
La colonisation allemande a ouvert une nouvelle ère de civilisation en Namibie, pense le général Von Trotha. Du bois dont les Héréros se servent pour construire leurs abris, pense-t-il aussi, ils feraient mieux de préparer des croix pour leurs dernières demeures. Car Von Trotha, le grand général du puissant empereur d’Allemagne, a décidé qu’à l’intérieur de la frontière allemande tout Héréro, avec ou sans fusil, avec ou sans bétail, sera fusillé. « Je n’accepte plus, dit-il sur un ton civilisateur, ni femmes ni enfants. Je les envoie à leur peuple ou fais tirer sur eux. Telles sont mes paroles au peuple héréro. »

Georges Washington Carver : L’esclave qui a révolutionné l’agriculture du sud des USA

Né esclave le 10 janvier 1864, Georges Washington Carver est mort en 1943 avec la médaille Roosevelt autour du cou pour ses innovations qui ont révolutionné l’agriculture du sud des USA. De l’arachide il fit du café, du lait du fromage ; des fleurs, de l’encre, du savon ; des patates douces il tira plus de cent autres produits.
Il avait le toucher de Midas.
Mais jamais il ne voulut tirer or ou argent de son génie : « Je n’ai pas le droit de vendre les dons que Dieu m’a offerts gratuitement. »

Garrincha : L’oiseau de bonheur

Garrincha fut l’un des meilleurs footballeurs du Brésil. Avec Pelé, il permit à son équipe nationale de remporter deux coupes du monde. Il était adulé par les amateurs du ballon rond pour ses dribbles. Comme d’autres vont au théâtre ou au cinéma, les gens de Rio vont au Maracana pour voir Garrincha l’oiseau de bonheur.
Jambes tordues, démarche de rapace prêt à fondre sur une proie, c’est un génie ingénieux du dribble. Par la droite, il dribble toujours. Par la droite. Avec la même feinte du corps. Toujours la même feinte du corps. Ensuite il déboule sur le flanc droit. Va-t-il centrer ? Va-t-il tirer ? Le gardien peut se faire du mouron. Même le ballon en perd parfois la boule.
Garrincha ce n’est pas du foot, c’est de la pantomime. A l’entrée de Maracana son temple une pancarte exprime un regret : « Si nous étions 75 millions de Garrincha notre pays serait plus fort que la Russie, plus fort que les États-Unis. »

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