Les prix des produits manufacturés ou de première nécessité ont flambé sur les marchés africains. De Douala au Cameroun, à Dakar au Sénégal, en passant par Addis-Abeba en Ethiopie, les ménages et les industries africaines ont le tournis. A la crise économique due au coronavirus, s’est greffée la surenchère sur le coût des transports des produits importés. C’est le branle-bas.

L’économie mondiale tousse. Les prix s’envolent. L’illustration parfaite de cette situation est la montée vertigineuse des prix des produits sur les capitales des pays africains. Le Cameroun, à bout de souffle a été obligé d’adresser une correspondance au gendarme du commerce mondial, l’OMC afin qu’elle intervienne pour recadrer les choses.

« Dérégulation sans précédent des échanges commerciaux internationaux ». L’objet de la correspondance que le ministre camerounais du Commerce, Luc Magloire Mbarga Atangana, a adressé le 2 septembre à la directrice générale de l’Organisation mondiale du Commerce (OMC), Ngozi Okonjo-Iweala est, on ne peut plus clair.

«Depuis la survenance de la pandémie de la Covid-19 au premier trimestre de l’année 2020, les chaînes d’approvisionnement des marchés internationaux connaissent de graves perturbations et des dysfonctionnements qui semblent s’être accélérés depuis l’entame de l’année 2021, caractérisés notamment par le renchérissement des cours des matières premières, la hausse vertigineuse des prix des produits alimentaires et l’explosion du coût du fret maritime », écrit le ministre.

«À titre d’exemple, entre janvier et juin 2021, les prix du clinker, du fer à béton et du gypse ont fait un bond respectif de 100%, 95,54% et 60% par rapport à la même période en 2020, tandis que ceux du blé, du soja et du maïs se sont accrus de 31,6%, 6%, 73% et 98,4% et que le coût du fret maritime a été multiplié par trois », poursuit-il. Selon le membre du gouvernement, au regard des risques majeurs de la déflagration sociale qui pourraient découler de cette situation, l’OMC fort des objectifs contenus dans le préambule de l’Accord de Marrakech ne saurait rester sans réagir.

Il conclut : «Je suggère à cet égard que les des initiatives fortes soient rapidement prises par l’Organisation en direction d’un certain nombre d’institutions et d’instances en charge de l’économie mondiale, à l’instar du Fonds monétaire international, de la Banque mondiale ou du G20, en vue de rechercher les voies et moyens de nature à contrecarrer les effets dévastateurs de ce cataclysme qui se dessine ».

Une crise qui s’ajoute à une autre

Au Cameroun, le gouvernement fait déjà face à une flambée des prix du ciment, par exemple. En effet, les acteurs de la chaîne de distribution ont été ouvertement accusés d’être les instigateurs de la hausse des prix observée depuis des semaines sur le marché, laquelle augmentation a porté le sac de 50 kg de ciment ordinaire à 4900 voire 5000 FCFA, contre 4 300 FCFA en temps ordinaire. Le ministre du Commerce a alors menacé de fermer des usines si cette augmentation est effective.

En échange de la non-revalorisation des prix du ciment, le gouvernement a ouvert des négociations pour trouver des « mesures d’accompagnement à la filière ciment, face à la hausse mondiale des cours des matières premières » rentrant dans la production de ce matériau de construction.

La faim à nos portes

L’année dernière, la COVID-19 a mis en péril la sécurité économique, sanitaire et alimentaire de millions de personnes, et précipité jusqu’à 150 millions d’autres dans l’extrême pauvreté. Si les conséquences sanitaires et économiques de la pandémie sont effroyables, l’aggravation de la faim en est l’une des manifestations les plus tangibles.

Les pertes de revenus se traduisent par moins d’argent dans les poches pour acheter de la nourriture, tandis que les perturbations des marchés et des approvisionnements en raison des restrictions à la liberté de circuler entrainent des pénuries et un renchérissement des prix au niveau local, particulièrement de denrées périssables.

Les difficultés d’accès à des aliments nutritifs auront des effets négatifs sur la santé et le développement cognitif des enfants de l’ère COVID dans les années à venir.

L’indice des prix alimentaires de la Banque mondiale a augmenté de 14 % l’année dernière. Des enquêtes téléphoniques réalisées périodiquement par la Banque dans 45 pays montrent qu’un pourcentage substantiel de personnes commence à manquer de nourriture ou à réduire sa consommation.

La situation allant s’aggravant, la communauté internationale peut prendre trois mesures en 2021 pour renforcer la sécurité alimentaire et aider à prévenir des conséquences encore plus graves sur le capital humain.

Que faire ?

La première des priorités consiste à assurer la libre circulation des produits alimentaires. Pour éviter des pénuries artificielles et des flambées de prix, les aliments et d’autres produits essentiels doivent circuler aussi librement que possible d’une frontière à l’autre.

La deuxième priorité consiste à renforcer les dispositifs de protection sociale. À court terme, ceux-ci permettent aux familles de se prémunir face aux crises sanitaires et économiques.

En Éthiopie par exemple, le nombre de ménages qui avaient du mal à satisfaire leurs besoins alimentaires avait initialement augmenté de 11,7 points de pourcentage pendant la pandémie, mais les participants à notre programme de filets de sécurité productifs de longue date étaient à l’abri de la majeure partie des effets négatifs de cette dernière.

Le monde a mis en place un dispositif de protection sociale sans précédent en réponse à la COVID-19. Les transferts monétaires atteignent actuellement 1,1 milliard de personnes, et des mécanismes de prestation innovants identifient et atteignent rapidement de nouveaux groupes de personnes, tels que les travailleurs informels en zones urbaines.

Mais « grande échelle » n’est pas synonyme de « suffisant ». La troisième priorité consiste à renforcer la prévention et la préparation.

Les systèmes alimentaires mondiaux ont subi de multiples chocs en 2020, des répercussions économiques de la pandémie sur les producteurs et les consommateurs à l’invasion de criquets pèlerins et aux aléas météorologiques.

Tout semble indiquer qu’il s’agit peut-être de la nouvelle norme. Les écosystèmes dont nous dépendons pour l’eau, l’air et la nourriture sont menacés. Les zoonoses ne cessent de se multiplier en raison de pressions démographiques et économiques croissantes sur les terres, les animaux et les espèces sauvages.

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