Grosse surprise au gouvernement belge le jeudi soir 14 juillet. Pour remplacer Sophie Wilmès, qui avait présenté sa démission officielle le même jour en tant que ministre des Affaires étrangères, le MR n’a pas fait dans la dentelle.
C’est bien sur Hadja Lahbib, connue comme présentatrice du JT et journaliste de la RTBF, que le choix du Mouvement Réformateur (MR) s’est porté. Elle devient ainsi ministre fédérale, en charge du prestigieux portefeuille des Affaires étrangères, à la surprise générale. Elle y remplace Sophie Wilmès, qui s’est mise en réserve afin de se consacrer à son mari, gravement malade.
Les libéraux francophones ont annoncé, le vendredi 15 juillet, le nom de l’ex-présentatrice du JT, qui reprendra également les prérogatives des Affaires européennes, du Commerce extérieur et des Institutions culturelles fédérales.
Le visage de la Belgique à l’étranger
Dans sa première réaction face à la presse, Hadja Lahbib n’a pas été avare sur le fond des intentions des Libéraux en la désignant: « Dès aujourd’hui, j’aurai donc l’honneur d’être le visage de la Belgique à l’étranger. Je défendrai ses valeurs et ses principes démocratiques qui sont plus que jamais menacés », a-t-elle déclaré lors de la conférence de presse du Mouvement Réformateur, saluant « l’audace » et le caractère « disruptif » du choix qui s’est porté sur sa personne.
« J’imagine que vous êtes surpris et vous devez vous demander comment tout ça est arrivé. Il y a certains coups de fil qui vous font basculer dans une autre dimension », a poursuivi la nouvelle ministre qui a assuré: « Je mettrai toute mon énergie, ma différence et mes failles. Celles d’une femme, d’une citoyenne sans bagage politique ni d’a priori. Ni de gauche, ni de droite, mais fondamentalement libre ».
« Je tiens à remercier Sophie Wilmès. Elle a été une Première ministre exceptionnelle et elle a marqué de part son humanisme », a-t-elle enfin concédé.
« La meilleure possibilité pour le pays », selon le président du MR
Georges-Louis Bouchez, le président du Mouvement Réformateur, a surenchéri en affirmant qu’il s’agissait de « la meilleure possibilité à la fois pour le parti et pour le pays ». « Elle était mon premier et unique choix, c’est venu assez simplement par rapport aux qualités que je lui connais. Elle n’a peut-être pas de grandes connaissances politiques mais c’est certainement elle qui a les meilleures connaissances de terrain. Vous pouvez très bien être un homme ou une femme politique de qualité et avec de l’expérience, depuis 10 ou 15 ans, et ne pas avoir les compétences requises pour être ministre des Affaires étrangères », a fait remarquer le président de parti.
Issue d’une famille originaire de la Kabylie
Mais pour les observateurs méticuleux, la désignation d’Hadja Lahbib, dont la famille est d’origine algérienne de la Kabylie et qui a grandi dans les communes multiculturelles bruxelloises de Schaerbeek et Saint-Josse, revêt une signification plus profonde encore.
En effet, en ce moment où l’Europe est confrontée à des multiples enjeux dictés par la crise énergétique, avec l’assèchement du gaz russe, ainsi que par les grandes catastrophes consécutives au réchauffement climatique, la nouvelle cheffe de la diplomatie est, pour la Belgique, « la meilleure possibilité » en vue d’obtenir des solutions à la source, à savoir dans les pays où elle détient justement « les meilleures connaissances du terrain », pour paraphraser son président du parti.
À ce poste de haute importance stratégique, pour une personne paradoxalement novice en politique, ceux qui savent lire entre les lignes avaient vite compris, et aperçu l’ombre de l’Afrique.
Le 21 avril, Sophie Wilmès, ancienne Première ministre puis ministre des Affaires étrangères, avait déjà annoncé sa décision de se mettre « immédiatement » en congé de ses fonctions ministérielles pour « être présente » aux côtés de son mari, qui lutte contre un cancer du cerveau.
Kathryn Brahy et Pierre Migisha avaient aussi franchi le rubicon
Passer du journal télévisé à la politique, comme Hadja Lahbib, n’est pas un acte isolé en Belgique, comme d’ailleurs ailleurs. Florence Reuter était également passée de RTL-TVI, la chaîne privée belge, au MR en 2007, avant d’être élue députée européenne.
Kathryn Brahy, qui devient en 2008 déléguée générale Wallonie-Bruxelles en République démocratique du Congo, la représentation diplomatique de cette entité, avait aussi oeuvré 25 ans durant comme journaliste à RTL avant de rejoindre la CdH, le parti humaniste.
De même, Pierre Migisha, commentateur sportif et étoile montante de la rubrique, avait bifurqué et était entré au CdH en avril 2009, puis élu député au Parlement bruxellois en juin de la même année.
Les journalistes de la presse écrite ne sont du reste, comme feu Raymond Bove qui, après plus d’une trentaine d’années à l’agence Belga, est entré au cabinet de Louis Michel, alors Commissaire européen.