La grâce présidentielle et l’amnistie sont deux notions de droit pénal qui visent, l’une, à dispenser une personne condamnée par la justice de son pays d’avoir à exécuter sa peine et, l’autre, à effacer totalement les traces d’une faute, qu’il s‘agisse d’une infraction ou d’un crime.

La grâce présidentielle et l’amnistie sont deux mesures qui présentent de très grandes différences quant à leurs initiateurs, leurs procédures et les effets juridiques qu’elles entraînent. La première est prise par le chef de l’Etat d’un pays, à sa propre initiative ou à la demande du condamné. Elle dispense ce dernier de l’exécution partielle ou totale de sa peine.

Cependant, elle n’efface pas les traces de la condamnation dans le casier judiciaire.  Généralement, comme c’est le cas en France et dans de nombreux pays africains francophones, un communiqué de la présidence informe le public et mentionne les noms des condamnés les plus connus ; ensuite, une liste complète de tous les graciés est élaborée par le ministère de la Justice, en conformité avec les critères d’éligibilité précisés dans le communiqué.

Ces critères sont très variables: les auteurs d’infractions mineures, les condamnés ayant accompli une partie de leurs peines, etc.

L’amnistie, du grec « amnestia », « oubli », est un « acte qui dispose que des fautes passées devront être oubliées et qui interdit à quiconque de les rechercher ou de les évoquer sous peine de sanctions ». 

L’amnistie, à l’inverse de la grâce, relève toujours d’une loi et n’attend pas qu’une condamnation ait eu lieu. Elle est votée, en Italie, par exemple, dans la cadre d’enquêtes judiciaires, pour permettre une meilleure collaboration des repentis. Certains gouvernements ont eu à édicter des lois d’amnistie fiscale, en vue de « faire revenir dans le pays des capitaux plus ou moins sales ».

Les mesures de grâce et d‘amnistie sont souvent prises à l’occasion d’événements particuliers : une fête nationale ou une élection présidentielle ; un dialogue politique ayant prôné la réconciliation, après une guerre civile ou une rébellion ; une grave détérioration de l’état de santé d’un prisonnier. 

L’exemple de la Côte d’Ivoire

Le 6 août 2022, la télévision ivoirienne a annoncé la mesure de grâce signée par le président Alassane Ouattara, à l’occasion du 62ème anniversaire de l’indépendance de la Côte d’Ivoire, en faveur de l’ancien président Laurent Gbagbo. Au lendemain de la publication de cette mesure, le bureau politique du parti du bénéficiaire s’est réuni et a pris la décision de la rejeter.

Pour bien comprendre cette décision, il faut se rappeler les faits suivants: Laurent Gbagbo avait été condamné, en 2018, à 20 ans de prison, dans l’affaire du « casse » de la BCEAO, commis dans le contexte des graves troubles post-électoraux de 2010-2011.
Cette grâce présidentielle n’ayant pas blanchi son casier judiciaire, M. Gbagbo ne peut donc se présenter à une quelconque élection.

Or, les faits et gestes observés depuis son retour au pays, notamment la création d’un nouveau parti politique, montrent clairement que l’ancien président nourrit encore aujourd’hui de grandes ambitions politiques. 

Seules une amnistie, ou une révision de son procès, dont ses avocats contestent par ailleurs la procédure, auraient pu lui permettre de recouvrer l’ensemble de ses droits civiques et politiques.

Certains ont vu, dans la grâce présidentielle en sa faveur, une manœuvre du pouvoir ivoirien de disqualifier un potentiel candidat, et peut-être un rival, dans les futures joutes électorales, notamment la présidentielle de 2025. 
Ont-ils tort ? L’avenir nous le dira.

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