Pour sa der des ders en qualité de Chancelière d’Allemagne, avant de céder son écharpe qu’elle arbore depuis son élection le 22 novembre 2005, soit depuis près de 16 ans, Angela Merkel a reçu un parterre de présidents africains à Berlin, à l’occasion du Forum économique de l’Afrique, initié par Compact with Africa.

C’est le vendredi 27 août 2021 dans la soirée, que s’est clôturée la conférence économique de Berlin de Compact with Africa qui a réuni le chef de l’État congolais Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, président en exercice de l’Union africaine, et ses pairs africains autour de la chancelière allemande Angela Merkel à Berlin, en Allemagne.
Cette édition a été l’occasion de dresser le bilan à mi-parcours dans la mise en œuvre de l’initiative Compact with Africa, un projet que la chancelière allemande a lancé en 2017, alors qu’elle assurait la présidence du G20.

Au cours du forum de Berlin, Angela Merkel a plaidé pour la relance des économies africaines en cette période de récession marquée par la pandémie du Covid-19 ainsi que pour les investissements dans le domaine de la santé, afin d’accroître la capacité des pays africains de vacciner leurs populations.


Intervenant à la même occasion, le président de l’Union africaine, Félix Tshisekedi, est demeuré sur le même diapason, en appuyant le plaidoyer pour davantage de moyens financiers en faveur des économies africaines, durement affectées par les affres des différentes vagues de la pandémie mondiale. Dans cette optique, il a préconisé le relèvement du niveau du Fond du Droit de Tirages spéciaux (DTS) à allouer à l’Afrique.

Sur le plan sanitaire, le président congolais a encouragé la production des vaccins sur le continent, avant de proposer des stratégies thérapeutiques originales, en recourant aux produits made in Africa qui ont prouvé leur efficacité pour combatte le Covid-19, dont le Manacovid, un médicament mis au point par des chercheurs congolais et qui a été certifié par des experts.

Le président Félix Tshisekedi, qui s’était ensuite rendu en Italie, a également délivré le même plaidoyer, le jeudi 2 septembre, a la tribune du Forum Ambrosetti organisé à  Milan, où il est arrivé la veille en compagnie du ministre des Affaires étrangères Christophe Lutundula, de son directeur de cabinet adjoint André Wameso, de son conseiller spécial en matière de sécurité François Beya et de son envoyé spécial Patrick Luabeya.

À Milan, le président en exercice de l’Union africaine était invité à participer à la réflexion prospective des dirigeants du monde sur le thème « le scénario d’aujourd’hui et de demain pour les stratégies concurrentielles « .

Que retenir du forum économique de Berlin ?

En prenant la présidence du G20, Angela Merkel avait déjà mûri l’idée de placer l’Afrique au cœur de l’agenda des pays les plus industrialisés.

Son souci était d’amorcer un changement dans la mise en place de la politique de développement. Et son allié de taille dans cette entreprise était vite trouvé: l’initiative « Compact with Africa », avec l’idée de favoriser les investissements privés dans les pays d’Afrique en appuyant les entreprises les plus performantes.

La nouveauté est que ce sont les pays africains eux-mêmes qui identifient les projets porteurs de plus-value pour leur développement, avec l’expertise et le financement des institutions financières internationales et panafricaines ainsi que des partenaires du G20.

Le Plan Merkel en lieu et place du Plan Marshall

L’Allemagne choisit néanmoins de ne pas faire cavalier seul, mais d’associer d’autres pays européens, mais aussi la Chine. « Plutôt qu’un plan Marshall, c’est un plan Merkel », a estimé à l’époque le président Alassane Ouattara. Une formule qui sonne comme une marque de reconnaissance des dirigeants africains à l’endroit du leadership de la chancelière allemande.

Selon un analyste, c’est en 2015 qu’Angela Merkel commence à poser les balises d’une nouvelle politique africaine pour l’Allemagne. Avant elle déjà, l’ancien président Horst Köhler avait souhaité jeter les bases d’une relation nouvelle.

« À mes yeux, l’humanité de notre monde se jugera au destin de l’Afrique », avait-il déclaré dans son discours d’investiture devant le Bundestag, le 1er juillet 2004. Mais l’idée, somme toute révolutionnaire, émise à cette occasion est demeurée lettre morte.

En revanche, des investisseurs ont développé un intérêt croissant sur le terrain des affaires, principalement dans les anciennes colonies allemandes comme le Togo ou le Cameroun et en Afrique australe.

L’élément déclencheur

Mais c’est la crise des réfugiés, en 2015, qui va donner un coup d’accélérateur à l’entreprise et réveiller Berlin pour enfin réchauffer le projet évoqué en son temps par le président Köhler.

Ainsi, l’Allemagne qui a ainsi accueilli 900 000 migrants en une année, principalement en provenance du Moyen-Orient mais aussi des Africains, Angela Merkel commence à se convaincre que « s’il y a trop de désespoir en Afrique, alors évidemment des jeunes vont se dire qu’ils vont aller chercher une nouvelle vie ailleurs ». Elle le déclare à l’occasion de la présentation de son « plan Marshall pour l’Afrique ».

À son avis, il faut travailler sur les causes de l’immigration plutôt que d’en subir les conséquences. En clair, l’Allemagne devra favoriser la croissance économique dans les pays d’origine en guise de réponse à la vague migratoire qui envahit l’Europe.

Après deux ans de réflexion, le ministre allemand du développement, Gerd Müller, appelle officiellement à la mise en place effective d’« un plan Marshall pour l’Afrique ».

Les résultats ne se sont pas fait attendre. Selon un rapport, en 2018 les investissements allemands ont dépassé les dix milliards d’euros, soit une hausse de 10 % en un an, détrônant la France de sa position de premier fournisseur.

La spécificité des investisseurs allemands:  la co-entreprise

L’approche est intéressante en ce qui concerne les entreprises africaines car les Allemands ont la tradition d’investir en co-entreprise.

Selon un expert, les Allemands ont longtemps cherché comment se différencier, en mettant en avant leurs atouts internationalement reconnus, que sont les compétences stratégiques dans les industries, les équipements technologiques et le savoir-faire.

Et la nouvelle initiative était la panacée pour les entreprises allemandes qui trouvaient là une opportunité d’investissement en Afrique sur le long terme.

Dans la foulée, la banque allemande de coopération, destinée au financement du secteur privé, a ouvert en novembre 2018 un bureau à Abidjan, après ceux de Johannesburg, de Nairobi et d’Accra.

Dans ces capitales, les entrepreneurs allemands contactent directement les partenaires concernés, allant des Indiens, des Chinois ou des Européens, avec lesquels ils créent des joint-ventures, profitant de leur positionnement et de leur connaissance de l’Afrique.

Au demeurant, Angela Merkel elle-même a exprimé sa satisfaction: « Certaines choses ont commencé à bouger, mais je ne veux pas brosser un tableau trop positif », a-t-elle estimé en 2019, lors de la deuxième rencontre avec les dirigeants de « Compact with Africa ».

Elle reconnaît néanmoins qu’il demeure encore des problèmes à résoudre, notamment la sécurité dans le Sahel et la croissance démographique, mais que le projet est en bonne voie.

Dans tous les cas, de 2017 à 2019, les investissements allemands en Afrique ont augmenté d’environ 1,57 milliard d’euros. Une augmentation encore jugée modérée.

Le continent reçoit encore un peu plus de 1 % de tous les investissements allemands dans le monde. Aucun chiffre n’est encore disponible pour 2020, en raison de la pandémie. Mais, en 2019, seules 884 entreprises allemandes ont investi en Afrique, soit 42 de plus qu’en 2017.

« Depuis le début de l’initiative CwA, les entreprises allemandes ont mis en œuvre plus de 60 nouveaux projets d’investissement.

Ces seuls projets, qui ont été financés avec l’aide du fonds d’investissement pour le développement du gouvernement allemand, ont créé plus de 9 000 emplois en Afrique », relève l’Association économique germano-africaine.

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