Les négociations entre l’Ethiopie et le Tigré semblent être au « point mort ». Or, le conflit entre les rebelles tigréens et le pouvoir éthiopien à Addis Abeba a créé une crise humanitaire dans une région qui est désormais durement atteinte par la sécheresse. L’ONU et les Etats-Unis lancent l’alerte pour la reprise des négociations.

Les parties prenantes dans le conflit entre l’Ethiopie et le Tigré sont d’accord sur tout sauf l’essentiel : ouvrir des négociations franches et utiles pour sortir de la crise. Pour comprendre cette crise qui s’enlise, un bref rappel historique s’impose. Le conflit en Éthiopie a officiellement démarré dans la nuit du 3 au 4 novembre 2020.

Le gouvernement éthiopien a accusé les forces du Front de libération des peuples du Tigré (TPLF en anglais) d’avoir attaqué l’armée fédérale éthiopienne basée au Tigré, et a décidé de lancer une offensive dans cette région. En réalité, les tensions politiques dataient de bien avant. Lorsque le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed est arrivé au pouvoir, en avril 2018, les autorités régionales du TPLF [qui ont dominé la vie politique pendant près de trente ans, ndlr] lui ont reproché de les avoir écartées du pouvoir et de marginaliser la minorité tigréenne du pays.

De son côté, le gouvernement accusait le TPLF de soutenir des forces d’oppositions, favorisant les tensions dans le pays. En 2020, en raison de la pandémie de coronavirus, le gouvernement fédéral a reporté à deux reprises des élections qui devaient se tenir au printemps. Mécontents, les leaders du TPLF ont décidé d’organiser leurs propres élections, en septembre 2020, élections dont ils sont sortis vainqueurs. Ce scrutin a été jugé illégal par le pouvoir fédéral, qui a annoncé dans la foulée une suspension des fonds fédéraux pour la région. À partir de là, tout le monde s’est préparé à la guerre…

Ainsi, le conflit, qui a éclaté en novembre 2020, oppose en premier lieu le gouvernement fédéral éthiopien au gouvernement régional du Tigré. Mais il a ravivé d’anciennes querelles et de nombreux d’acteurs s’y sont greffés. De manière générale, tous ceux qui avaient un grief envers le TPLF et sa gouvernance passée de l’Éthiopie ont apporté leur soutien au gouvernement fédéral. C’est le cas des régions d’Amhara et d’Afar qui bordent le Tigré, mais aussi de l’Érythrée, qui a envoyé des forces armées en soutien au gouvernement. 

Où en est-on aujourd’hui ?

Ils ne sont d’accord sur rien, sinon sur le fait qu’ils sont prêts à se parler de paix : aucun accord sur le lieu de futures négociations, ni sur une date, ni sur l’identité d’un médiateur, ni sur le périmètre des discussions. Les Tigréens poussent pour qu’un dialogue s’ouvre à Nairobi, sous l’égide du président du Kenya, Uhuru Kenyatta. Ils veulent qu’il inclue la question du Wolkait, un territoire disputé à l’ouest du Tigré, revendiqué par les Amharas et reconquis par ces derniers à la faveur de la guerre. Le Tigré exige de récupérer. Le gouvernement éthiopien, au contraire, penche pour des discussions à Arusha, en Tanzanie.

Et ce sous l’autorité de l’Union africaine et de son médiateur, l’ancien président nigérian Olusegun Obasanjo. Selon plusieurs sources, ce point n’est pas négociable pour Addis-Abeba, alors que les Tigréens jugent Olusegun Obasanjo « trop proche » du pouvoir éthiopien. Selon un observateur indépendant de l’Éthiopie, la volonté des Tigréens d’impliquer le président Kenyatta est motivé par « leur souhait d’impliquer plus étroitement les États-Unis ».

Et la question du Wolkait serait selon eux non négociable, alors que la délégation éthiopienne compte dans ses rangs des poids lourds de l’élite amhara. Bref, tout cela forme, selon cet observateur, « un inquiétant cocktail d’obstacles procéduraux » qui rend la tenue de pourparlers de paix pour l’instant très incertaine. Un autre chercheur, plus alarmiste, se demande même s’il ne s’agit pas d’une « comédie » visant à rendre impossibles des négociations.

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