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Est de la RDC : Face à la persistance des violences, les populations des zones occupées réticentes sur les solutions des salons occidentaux

La cité de Kirumba dans le territoire de Lubero au Nord-Kivu. Radio Okapi/Photo Marc Maro Fimbo

Les violences persistent dans l’Est de la République démocratique du Congo, en dépit des proclamations diplomatiques de Kinshasa et des partenaires, alors que le M23 soutenu par le Rwanda conserve ses positions. Face à cette sombre réalité, les populations sous occupation, désespérées et déçues, avouent n’avoir plus confiance ni au « libérateur autoproclamé », ni envers le gouvernement central.

« Pourquoi chercher à résoudre des problèmes sécuritaires africains dans les salons politiques américains ou qatari ? », s’interroge un jeune enseignant à Goma. « Beaucoup en RDC croient que la meilleure solution à la crise congolaise ne viendra que des Occidentaux après les échecs dans les différents processus de paix amorcés dans la sous-région, notamment à Luanda ou à Nairobi en passant par Addis-Abeba ».
Cet habitant de Goma n’a pas caché sa méfiance face aux différents processus de paix qui se déroulent, selon lui, « loin de la réalité du terrain ». Des accords de paix ont été apprêtés, des déclarations de principes adoptées, des vrais engagements pour la paix tardent à se déclencher. Déjà, le Rwanda accusé de soutenir les rebelles mais qui a toujours nié a signé un accord de paix à Washington par son ministre des Affaires étrangères Olivier Ndunguhirehe, avec son homologue Mme Thérèse Kayikwamba pour le compte de la RDC. La dernière phase impliquant les chefs d’État n’a pas encore débuté. Des lueurs d’espoir tardent à pointer à l’horizon.
Pendant que la RDC mène une bataille diplomatique pour obtenir des sanctions adéquates contre le Rwanda, les populations civiles sont chaque jour victimes d’une violence silencieuse. Ni le libérateur autoproclamé ni le gouvernement central, personne n’a gagné la confiance des populations du Nord et du Sud-Kivu, qui sont muselées et acculées dos au mur.
« Tout ce que je sais est qu’ils (les rebelles) sont des tueurs. Ils nous tuent chaque jour. Que ces députés qui prétendent défendre notre cause à Kinshasa ne reviennent plus pour solliciter nos voix. Nous savons déjà qu’ils travaillent pour des intérêts personnels », déclare dépitée une vendeuse de rue à Birere.

Le spectre de la balkanisation

« Plus les jours passent, plus les rebelles s’installent confortablement. On a l’impression qu’ils ont reçu une autorisation expresse d’occuper le territoire congolais. Nous savons que la RDC est menacée par un autre État. D’ailleurs tout est clair ici chez nous. Ils ont commencé à mettre en place des stratégies pour s’éterniser. En paroles comme en actes, cela se dessine », s’indigne une jeune étudiante de l’université de Bukavu.
Certains actes à portée pas très éphémère semblent être posés et il convient d’y porter attention. En effet, le 25 août 2025, un transformateur géant avait été emmené à Goma par une société étrangère pour son installation à Mugunga. Le 3 octobre 2025, il a été mis en place l’Autorité de régulation du système financier dénommée AREFA. Ceci, peu après la résolution d’implanter des juridictions dans les zones sous leur contrôle. Les documents de voyage et les autorisations de séjour fournis par le gouvernement central sont désormais frappés d’interdiction dans les zones occupées.
Par ailleurs, un concours pour le recrutement des magistrats avait été lancé à Goma, suscitant des vives interrogations quant à l’engouement suscité. La mesure annonçant la relance des activités judiciaires par les autorités de la rébellion avait fait la une. Des activités pénitentiaires avaient également débuté. Cependant des ONG des Droits de l’Homme avaient reporté le mois dernier, sans trop de précisions, des violations graves faisant état d’exécutions systématiques dans la prison de Munzenze désormais réhabilitée. « Des jeunes gens ont été tués par le M23 dans cette prison et continuent à périr », révèle un activiste sous couvert d’anonymat.

Une forte pression fiscale sur fond de nouveaux combats

Un rassemblement à Beni après une attaque des rebelles (Image d’archives)

« Trop de pression fiscale sans soubassement légal. Chacun se présente avec sa facturation », renseigne un tenancier de pharmacie dérangé par des recouvrements intempestifs des taxes. Il est vrai qu’il s’observe une multiplicité des taxes dans les zones sous administration parallèle, qui a tendance à se sucrer sur le dos d’une population sans défense. Plusieurs opérateurs économiques ont gelé leurs stocks pour éviter des pertes et limiter les risques. Pendant ce temps, aucune banque ne fonctionne.
Dans les territoires de Rutshuru et Masisi, des violents combats opposant les rebelles du M23 aux FARDC ont éclaté entre le 28 septembre et le 8 octobre 2025. L’armée congolaise aurait engagé des moyens conséquents, notamment des avions de chasse Sukhoi et des drones d’attaque CH-4 de fabrication chinoise. Des pertes importantes avaient été signalées dans les rangs des rebelles. Des dégâts collatéraux ont aussi été reportés, dont au moins huit femmes violées et quatre civils tués dans les zones des combats.
Les rebelles avaient dénoncé des provocations par les forces loyalistes dans un communiqué, affirmant avoir été attaqués en dehors de la zone de front établie et ce, en violation du cessez-le-feu. De son côté, l’état-major général basé à Kinshasa avait démenti, précisant qu’il s’agissait bien d’une riposte légitime face à des mouvements hostiles observés visant à étendre la zone d’influence du M23 sur Uvira, Walikale et Butembo-Beni.
Par ailleurs, les responsables du mouvement rebelle ont présenté des troupes d’environ 7 500 hommes d’abord à Rumangabo puis 6 000 à Chanzu. À en croire le coordonnateur du mouvement rebelle, il s’agit bel et bien d’anciens éléments des FARDC et de la Police nationale « idéologisés et transformés ».
Le terrorisme Adf MTM continue aussi à faire des victimes découpées à la machette au nord de la province du Nord-Kivu et en Ituri. Ces parties de la RDC ont été le théâtre de graves atrocités aux mois d’août et septembre, avec des civils massacrés par centaines avec une brutalité rare. D’autres restent introuvables.
Les attaques terroristes se sont étendues dans le territoire de Lubero, jusqu’alors à l’abri. Des véhicules et des habitations ont été incendiés. Kinshasa a déjà proclamé un état de siège dans les deux provinces depuis bientôt cinq ans, sans résultat. Des élus de la partie orientale sont fatigués de proroger cette situation exceptionnelle. La population aussi. Les opérations conjointes UPDF-FARDC n’ont produit que des résultats mitigés. Un officier de l’armée ougandaise en mission à Beni, capitale provinciale provisoire du Nord-Kivu depuis la chute de Goma, a proposé la formation d’un « local defense ». Un aveu d’échec ? Une idée apparentée à celle de Wazalendo qui combattent aux côtés des FARDC, pourtant décriée dans la sous-région.

La « main tendue » de Félix Tshisekedi à Paul Kagame à Bruxelles

Félix Tshisekedi toujours dans la recherche d’une paix définitive en RDC (Source image : trt.global)

« Pourquoi ne pas envisager des solutions à l’africaine ? » La propagande sur l’adhésion de la RDC à l’EAC faisait état d’une intégration multidimensionnelle sans faille. Inversement, « des États voisins semblent profiter de la déstabilisation de la RDC. On voit plutôt des démarches égoïstes se développer, favorisant l’exclusion et l’isolement. La RDC est aussi victime d’un complot au niveau des Grands-Lacs », explique un spécialiste de la communication d’un centre de recherche à Goma.
À son avis, la Communauté des États d’Afrique de l’est « n’a pas fait preuve de sincérité dans le processus de paix récemment entrepris ». Il croit qu’il est urgent de placer les intérêts de la sous-région au cœur des discussions et que plusieurs questions, connues de tous, doivent être prises en compte au niveau interne. Des Africains doivent apprendre à trouver des solutions aux problèmes africains sans forcément chercher à recourir aux Occidentaux.
Félix Tshisekedi n’a jamais exclu la moindre piste dans la recherche d’une paix définitive en RDC. Il vient encore de le prouver au Global Gateway Forum à Bruxelles, l’occasion faisant le larron. Sa déclaration imprévisible a produit des réactions dans tous les sens. Mais dès son accession au pouvoir, il a tenté de se rapprocher de l’homme fort de Kigali, comme de tous les États voisins, enfin d’asseoir des relations de bon voisinage. Les habitants des zones sous occupation ne jurent que sur la paix à tout prix. Seuls les prisonniers comprennent profondément la valeur de la liberté, dit-on. Les habitants de l’est de la RDC ne veulent que la paix et rien que la paix.

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