Accueil Actualité Environnement : Eve BAZAIBA MASUDI, une égérie congolaise contre le péril climatique

Environnement : Eve BAZAIBA MASUDI, une égérie congolaise contre le péril climatique

Dans un monde menacé de toutes parts par le péril du réchauffement climatique,  la République démocratique du Congo, avec ses 67% des forêts africaines à son actif, se présente en « pays-solution » face à cette menace, en mettant en avant ses divers atouts.Dans ce marathon, elle s’est choisie un porte-voie à la dimension du défi, en la personne de Mme Eve Bazaiba Masudi.
Onésha Afrika l’a rencontrée à Kinshasa, au cours d’une interview exclusive.

La ministre d’État Eve Bazaiba a été reconduite dans son portefeuille de l’Environnement et Conservation de la nature au sein du gouvernement Suminwa1, après avoir occupé ce poste sous Sama Lukonde. Une preuve supplémentaire de son expertise et de l’expérience accumulée dans la défense de la cause climatique de la RDC et du continent africain. Onésha Afrika a ainsi voulu en savoir plus sur les défis mondiaux qui se profilent dans la lutte contre le réchauffement climatique et sur le rôle qu’entend jouer la RDC sur l’échiquier international.

Onésha Afrika : Madame la ministre d’État, à quand remonte l’expression « RDC, pays-solution » en matière de climat ?

Eve Bazaiba : La RDC a été présentée comme pays-solution pour la première fois lors des travaux préparatoires de la COP26 co-organisée par l’Italie et la Grande-Bretagne. Au cours de ces assises, des pays insulaires tels que les Îles Malouines, la Réunion, Cuba et les autres, s’étaient plaints de la non-tenue des engagements pris par la communauté internationale face aux alertes et aux menaces climatiques contre leurs territoires.
Selon les scientifiques, ces pays pourraient disparaître dans les 50-100 ans à venir, suite à la montée de la température planétaire, couplée au dégel de l’Arctique et de l’Antarctique, avec le ruissellement des eaux.
Parmi les solutions proposées par les scientifiques, la plus intéressante était la protection des forêts. Il fallait préserver les forêts, assurer leur gestion durable, et s’assurer de leurs protection, parce qu’elles permettent de rendre un grand service à l’humanité, car elles absorbent les pollutions et dégagent l’oxygène qui nettoie l’atmosphère.
En second lieu, les scientifiques proposaient un abandon progressif de l’économie carbonnée, très polluante, au profit des procédés moins polluants. Par exemple, l’industrie automobile devait passer des véhicules utilisant des carburants à des véhicules électriques. En bref, la communauté mondiale devait valoriser les ressources naturelles qui devraient permettre une migration vers des énergies renouvelables pour permettre une transition énergétique.
Et c’est là que la RDC est apparue comme un pays-solution, face à ces nouveaux enjeux planétaires, du fait que notre pays regorgeait de toutes les ressources indispensables à cette transition, elle qui héberge le deuxième massif forestier de la planète terre. Les forêts tropicales humides, sont en effet connues pour leur grande capacité à absorber la pollution atmosphérique et à dégager de grandes quantités d’oxygène.

« RDC : 60% des forêts du Bassin du Congo »

La ministre d’État Eve Bazaiba explique le rôle que doit jouer la RDC dans la cause climatique mondiale

La RDC abrite dans son bassin 268 millions d’hectares de forêts tropicales humides d’Afrique et compte à elle seule 155,5 millions d’hectares, soit plus de 60% de toutes les forêts du Bassin du Congo. À cela il faut ajouter ses zones humides comme les tourbières, une exclusivité qu’elle se partage avec un seul autre pays du continent, à concurrence de 70% pour la seule République démocratique du Congo. Les spécialistes affirment que les forêts absorbent 24 gigatonnes de pollution, alors que les tourbières, elles, en absorbent 31 000 gigatonnes.
Mais la RDC, c’est aussi les mangroves, des zones humides aussi qui stockent le carbone. Notre pays partage également avec les pays de l’Afrique australe des forêts clairsemées, qu’on appelle les forêts de miombo, disposant d’une grande capacité d’absorption de carbone. Nous sommes donc un pays-solution face au dérèglement climatique.
Du point de vue des ressources minérales, la RDC dispose de la quasi-totalité de tout ce qui se trouve dans le tableau de Mendeleïev. Des minerais comme le cobalt qui servent à la fabrication des batteries électriques, du coltan, de la colombo-tantalite, indispensables aux nouvelles technologies de l’information et de la communication, en passant par le niobium, notre pays en dispose à foison.
La RDC, c’est aussi le deuxième fleuve le plus long et le plus profond du monde, avec une grande capacité de fournir une grande partie du continent en énergie propre et renouvelable.
Au final, la RDC se trouve à cheval sur l’équateur et offre ainsi un accès permanent à l’énergie photovoltaique.
À ce jour, la contribution de la RDC à la lutte contre le changement climatique est determinante. Au niveau de l’Afrique, elle fait partie des pays qui n’ont qu’un taux dérisoire de 4% de pollution mondiale, alors que les pays du G20 y participent à 80%.

« Devenir un acteur majeur du développement durable »

Eve Bazaiba au four et au moulin

Onésha Afrika : Quelle est la démarche du gouvernement congolais pour capitaliser ces énormes atouts environnementaux ?

Eve Bazaiba : La RDC, à travers son gouvernement, sous la supervision de Son Excellence Monsieur le Président de la République Félix Antoine Tshisekedi, a pris conscience de son énorme potentiel environnemental et de son apport au développement durable de notre pays. Elle s’est fixé, à l’horizon 2030, d’être un acteur majeur du développement durable.
Sous le leadership du Président de la République, le gouvernement a pris conscience de ses responsabilités vis-à-vis du peuple congolais d’abord, qui doit vivre de ses ressources, et de ses responsabilités vis-à-vis de l’humanité entière. À titre illustratif, c’est le chef de l’État lui-même qui avait conduit la délégation de la RDC à la COP26 à Glasgow en Grande-Bretagne.
Depuis les Accords de Kyoto, c’était la première fois que les États-Unis, un des plus grands pollueurs du monde, étaient revenus à la table des négociations. La RDC y avait fait une importante présentation de sa politique environnementale.

Onésha Afrika : Vous avez parlé de responsabilité, Mme la ministre. À ce propos, pensez-vous atteindre les Objectifs du développement durable (ODD) d’ici cinq ans, tel que fixé par le gouvernement ?

Eve Bazaiba : Il nous reste six ans. On ne saura peut-être pas les atteindre à 100%, mais nous multiplions les efforts dans ce sens. Vous savez, si on arrive à 50%, ce sera déjà un verre à moitié plein. Lorsqu’un élève réussit à l’examen d’État avec 50%, toute la famille est dans la joie et personne ne prétend que cet élève a échoué. Moi-même, j’ai eu mon diplôme d’État avec 54%.

« Transformer le potentiel en richesses »

L’importance de l’arbre dans l’absorption de la pollution

Il ne suffit pas d’avoir le potentiel, mais il faut encore que celui-ci soit transformé en richesses, pour lutter contre la pauvreté. C’est le premier ODD. Le deuxième, c’est la lutte contre la faim et le troisième l’accès aux soins de santé. Le quatrième l’éducation pour tous, le cinquième l’autonomisation de la femme, alors que le sixième est en rapport avec l’environnement. Rendre les villes propres ainsi de suite, jusqu’au dix-septième objectif.
L’important dans un délai raisonnable est de faire en sorte que nos ressources naturelles ne soient plus exportées en brut, mais transformées au pays pour en dégager de la valeur ajoutée. La chaîne de valeur permet de résorber le chômage, permettant ainsi de lutter contre la pauvreté et contre la faim.
Grâce au chef de l’État, notre pays est en pleine expérimentation de la couverture Santé universelle. La gratuité de la maternité permet aujourd’hui aux femmes d’accoucher dans des bonnes conditions et, sur le plan de l’éducation, il y a déjà la gratuité de l’enseignement de base, qui permet de lutter contre la déperdition scolaire. En outre, le volet genre est réellement pris en compte par le chef de l’État qui en a fait son cheval de bataille.
Sur le volet environnemental, nous vendons déjà notre crédit-carbonne. C’est notre propre argent. C’est ce qu’on appelle des fonds sécurisés, devant financer nos propres projets d’adaptation et d’atténuation. À titre d’exemple, le petit projet de Mai-Ndombe, où un privé s’est engagé à vendre du crédit-carbone sur environ 260 000 hectares.
Avec l’appui du gouvernement, nous avons déjà vendu trois fois du crédit-carbone pour 1 500 000 Usd la première fois, et nous sommes en attente d’un paiement de 11 millions Usd de la Banque Mondiale.

Publicité