C’est reparti pour un second round. Le Président Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, réélu à l’élection présidentielle du 20 décembre dernier, a été investi le samedi 20 janvier pour un nouveau bail de cinq ans à la tête de la République démocratique du Congo.
Devant un parterre de chefs d’État et de hauts dignitaires étrangers venus des cinq continents, et en présence d’une foule nombreuse des Kinois mobilisés au stade des Martyrs de la Pentecôte, Félix Tshisekedi a pris date avec son peuple, pour un nouveau challenge.
Une nouvelle investiture qui, aux yeux des observateurs, revêt un caractère plus que spécial. Avec 13 058 962 voix, soit 73,47% des suffrages exprimés, tel que l’avait confirmé l’arrêt de la Cour constitutionnelle lors de son audience solennelle et publique du 9 janvier, Félix Tshisekedi n’a pas simplement été élu à la présidentielle du 20 décembre : il a été plébiscité par les Congolais, ayant relégué son poursuivant le plus proche, Moïse Katumbi Chapwe, à un malheureux 3,258.538 voix, soit un maigre score de 18,08%.
En prêtant serment devant la Cour constitutionnelle le samedi 20 janvier, Félix Tshisekedi avait donc conscience du degré de confiance lui accordée par ses concitoyens, mais surtout du devoir de redevabilité qui lui incombe désormais vis-à-vis de ce même peuple qui, de partout à travers la RDC, a tenu à le maintenir à la tête du pays, bravant parfois les intempéries et, pour certains, les risques sécuritaires.
Ne pas sombrer dans les erreurs du passé
Une ébauche de réponse aux principales préoccupations des Congolais a peut-être été donnée par le nouveau chef de l’État dans son discours d’investiture.
Le Président Félix Tshisekedi a en effet annoncé qu’il compte adosser son nouveau mandat sur six principaux piliers, que sont notamment la création des emplois pour les jeunes, la protection du pouvoir d’achat et la stabilité monétaire, la sécurité du pays, la diversification de l’économie, l’accès aux besoins sociaux de base (éducation et santé) ainsi que le renforcement des services publics.
Une sorte de mise en perspective des préoccupations majeures des Congolais, que le chef de l’État s’est engagé publiquement à mettre en œuvre pour les cinq prochaines années.
Le Président Félix Tshisekedi a par ailleurs reconnu qu’il a appris de ses erreurs passées, affirmant la main sur le cœur qu’elles ne se répéteront plus. Une profession de foi qui implique entre autres le choix des personnes qui seront appelées à l’accompagner dans la mise en œuvre de son programme de gouvernement.
«Plus question des voleurs dans les institutions»
« Nous ne voulons plus des voleurs dans les institutions du pays », a d’ailleurs prévenu sans ambages le pasteur Roland Dalo du Centre missionnaire Philadelphie, dans son homélie au cours du culte religieux introduisant la cérémonie d’investiture.
L’homme d’église a imploré Dieu pour que le président soit accompagné d’hommes qui travailleront pour le bonheur des Congolais sur l’ensemble du pays. « Seigneur, s’il te plaît, des hommes et des femmes de qualité. Des hommes et des femmes de valeur. Seigneur, nous sommes fatigués des voleurs, nous sommes fatigués de ceux qui s’enrichissent, nous sommes fatigués de ceux qui ne voient que leurs intérêts. Donne-nous des hommes et des femmes qui peuvent s’oublier et qui peuvent penser au bonheur des démunis. Alors nous te bénirons et nous croyons que ces prières sont exaucées », a déclaré Roland Dalo. Une affirmation en parfaite communion avec l’opinion générale à travers le Congo.
Associer l’opposition à la gestion du pays durant le 2ème mandat
Le président élu s’est dit disposé d’associer l’opposition à la gestion du Congo au cours de son 2ème quinquennat, dans son discours d’investiture, en présence de 28 délégations étrangères invitées à la cérémonie.
« Ne dit-on pas que plus le combat est dur, plus la victoire est belle ? Vous êtes donc, mesdames et messieurs de l’opposition, une composante consubstantielle à l’événement de ce jour, et vous avez à juste titre votre place dans la gouvernance de notre pays », a déclaré le Président de la république.
« En ma qualité de garant de la cohésion nationale, j’y veillerai au même titre que j’exhorterai au parlement d’assurer l’effectivité du rôle du porte-parole de l’opposition que cette dernière voudra bien désigner, conformément à la constitution », a-t-il précisé, tendant ainsi la main notamment aux 25 candidats malheureux à la présidentielle du 20 décembre, qui l’a porté une fois de plus au pouvoir.
Nouvelle ère et nouveaux défis
Le président Tshisekedi a par ailleurs annoncé que son 2ème mandat augure « une renaissance du Congo, partant des valeurs d’un élan de patriotisme nouveau » qui anime ses fils et filles.
« Aujourd’hui, une nouvelle ère est née, une ère de maturité, une ère magnifiée, transcendée par le serment renouvelé «Ne jamais trahir le Congo» », a assuré le président Tshisekedi qui a juré : « Je m’engage à user de tout ce qui est de mon pouvoir pour que les erreurs du passé ne se reproduisent plus ».
Circonscrivant son nouveau quinquennat autour de six objectifs prioritaires qui constituent autant de défis à relever, il a assuré la population congolaise : « J’ai conscience de vos attentes relatives à l’augmentation du pouvoir d’achat, à la stabilisation du franc et à l’accès aux services de base, notamment la gratuité de l’enseignement et de la maternité ». Le chef de l’État congolais n’a pas non plus éludé les retombées du Programme de développement local des 145 Territoires (PDL-145T) ainsi que les efforts à déployer pour le renforcement de l’efficacité des services publics, avant de promettre une « restructuration profonde de l’appareil de sécurité et de défense », sans oublier « le renforcement de la diplomatie ».
Il a également souligné « l’épineuse question du désenclavement des territoires, celle du développement des chaînes de valeur agricole et de l’assainissement des villes », dans son discours d’une trentaine de minutes prononcé après sa prestation de serment devant la Cour constitutionnelle, où il a professé :
« Moi, Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, élu Président de la République démocratique du Congo, je jure d’observer et de défendre la Constitution et les lois de la République, de maintenir son indépendance et l’intégrité de son territoire, de sauvegarder l’unité nationale, de ne me laisser guider que par l’intérêt général et le respect des droits de la personne humaine, de consacrer toutes mes forces à la promotion du bien commun et de la paix, de remplir loyalement et en fidèle serviteur du peuple les hautes fonctions qui me sont confiées ».
Presqu’un événement de portée mondiale
28 délégations étrangères ont rehaussé de leur présence la cérémonie de l’investiture au Stade des Martyrs, dont 17 chefs d’État en fonction et quatre anciens présidents, ceux du Nigeria, de Madagascar, de la Tanzanie et du Kenya, ainsi que de hauts représentants de gouvernements venus des quatre coins de la planète.
On a ainsi noté la présence des présidents de la République Sud-africaine, de l’Angola, du Kenya, du Zimbabwe, du Tchad, du Congo, du Burundi, de la Zambie, du Gabon, de la République Centrafricaine, du Ghana, de Djibouti, du Sénégal, de la Mozambique, du Malawi, de la Gambie, de Sao Tome et Principe et de la Guinée Bissau.
Parmi les autres personnalités figuraient les vice-présidents de l’Ouganda et de la Namibie, la vice-présidente du Sénat chinois ainsi que les présidents des Assemblées nationales de la Côte d’Ivoire et du Maroc.
Une cérémonie impressionnante par la qualité des participants
Le ministre d’État belge André Flahaut a été parmi les personnalités présentes à la cérémonie d’investiture du président Tshisekedi. Il livre ses impressions à notre éditeur Victor Olembo Lomami, au cours d’une interview, le 21 janvier à Kinshasa.
« J’ai trouvé que la cérémonie a été effectivement impressionnante, par le nombre de participants, mais aussi par l’ambiance qui régnait dans ce stade des Martyrs, avec plus de 80 000 personnes présentes. Et au centre de cette cérémonie, le président élu ne faisant pas de triomphalisme et prononçant un discours équilibré, qui s’inscrit dans le prolongement de son premier mandat, avec le souci de n’oublier personne dans les remerciements. En plus, il rend aussi hommage à ses opposants et garantit à l’opposition la possibilité de jouer un rôle dans la législature qui s’ouvre. Je crois que ça suscite le respect », analyse le ministre d’État André Flahaut.
Au sujet la présence de tant d’invités de marque à l’investiture, il souligne : « Tout d’abord, quand Félix Tshisekedi est arrivé lors de son premier mandat, il a rencontré ses voisins, il a rencontré beaucoup de représentants des pays européens, il est allé en Russie, en Chine, aux États-Unis et en Amérique du Sud. Ça lui a même été reproché, du fait que les problèmes à régler sont au niveau du Congo. Mais il était nécessaire de repositionner le Congo sur la scène internationale. Et là, je crois qu’il a obtenu ce résultat ».
Pour lui, la présence d’importantes délégations venues de beaucoup de pays du monde, démontre que « le Congo aujourd’hui existe sur la scène internationale et qu’il peut compter sur des alliés aussi bien sur le continent africain qu’ailleurs dans le monde. Il y a aussi eu la visite du pape et celle d’autres responsables politiques qui le démontrent.
Après tous ces déplacements et les accords qui sont passés avec notamment les pays du BRICS, avec le Brésil, avec la prise de conscience que le Congo jouera un rôle fondamental non seulement par la jeunesse de sa population, mais aussi par le bassin du Congo, à côté de son frère le bassin de l’Amazonie, comme clé du développement de la planète à la fois sur le plan de la démographie que de l’environnement. La multitude des délégations présentes atteste d’une reconnaissance reformulée à l’égard du Président élu ».
Le prolongement du 1er mandat
Quant au discours d’investiture, André Flahaut estime que le chef de l’État congolais se place dans le prolongement de son premier mandat. « La première législature a été un peu amputée d’un an ou deux de cohabitation avec la famille politique de l’ancien président, comme ça a existé en France à un certain moment.
Dans la deuxième partie, il avait commencé à tracer sa voie, sur base de son programme qui mettait en avant la gratuité de l’enseignement, de la maternité et aussi des projets économiques, notamment le développement des 145 territoires.
Il a posé les jalons, mais le temps restant a été court », fait-il remarquer.
« Le Président Tshisekedi se positionne dans la phase de concrétisation de toute une série de projets qui ont débuté, mais qui méritent d’être boostés, notamment par la formation des jeunes pour la transformation de produits dans les différents secteurs. C’est une question d’autosuffisance ».
Mais aussi, ajoute-t-il, « le président congolais a insisté sur l’important domaine de l’agriculture et le désenclavement des terres. Il y a des instruments qui ont été créés, et qu’il faut renforcer, en termes de création de routes et d’un réseau ferroviaire, qui garantissent l’accès aux produits transformés et une fluidité des déplacements des personnes ».
Félix Tshisekedi a également insisté sur sa volonté de travailler avec tout le monde, indépendamment des provenances, des affinités et des ethnies. À ce sujet, Andre Flahaut pense que « l’une des qualités du président congolais est de savoir écouter un maximum de monde avec calme, et de se forger des idées précises. Et là, je crois avoir découvert dans son discours qu’il y est prêt ».