Wester Van Gaal, de l’EU Observer, a été le premier à soulever de « sérieuses inquiétudes » au sujet du budget annuel que l’union européenne vient d’annoncer en faveur de l’Afrique.
En février, lors du sixième sommet Union européenne-Union africaine, l’Europe a tenté de raviver les relations avec les dirigeants africains, en promettant une coopération win-win. La pièce maîtresse de ces assises, de deux jours, était l’initiative d’investissements importants de l’UE en faveur de l’Afrique, le Global Gateway Africa, doté de 150 milliards d’euros. Ce qui équivaut au budget annuel de l’UE.
Ses principaux objectifs consistent à encourager le développement et l’utilisation d’énergies durables dans les initiatives d’électrification du continent et de faciliter l’exportation des ressources naturelles de l’Afrique vers les marchés mondiaux.
Avec un besoin annuel d’investissement dans les infrastructures de 150 milliards d’euros, l’Afrique compte sur l’Union européenne pour tenir ses promesses de financement. Ainsi, le projet européen pourrait finir par devenir un véritable rival du plan d’investissement chinois, Belt-and-Road Africa, qui avait été annoncé en 2013 avec d’importantes promesses financières, mais qui a récemment été revu à la baisse à 40 milliards d’euros.
Les réticences des grands pays africains producteurs
De nombreuses nations africaines restent toutefois sceptiques face aux tentatives de l’Europe de promouvoir les énergies vertes. En raison de leurs importantes réserves de gaz naturel, le Nigéria, le Mozambique et le Sénégal se sont âprement battus pour obtenir un soutien financier européen continu pour de nouveaux projets gaziers.
Le vice-président du Nigeria, Yemi Osinbajo, s’est ouvertement élevé contre les « décennies de profit du pétrole et du gaz » des pays du Nord, critiquant ces nations pour avoir interdit ou limité les investissements publics du Sud dans les ressources fossiles.
Aucun accord n’a été conclu lors de cette rencontre, et il est évident que les Européens ne sont pas encore prêts à accorder une telle aide. Toutefois, il serait difficile d’empêcher les gouvernements africains d’avoir accès à l’argent et aux futures richesses pétrolières et gazières.
De leur côté, sans l’aide et les ressources de l’Afrique, les dirigeants européens ont peu d’espoir de réaliser leurs ambitions en matière d’énergies renouvelables. Des pays comme le Kenya et le Maroc contribuent déjà largement à la création d’une énergie plus verte, et le continent dispose des plus grandes ressources solaires au monde.
Les fabuleuses richesses de la RDC et de l’Afrique en la matière
En outre, l’Afrique possède entre 85 % et 95 % des ressources mondiales en chrome et en platine, ainsi que plus de 50 % des réserves mondiales de cobalt et 30 % des réserves mondiales de bauxite. Le cobalt, un métal nécessaire pour éviter la surchauffe des voitures électriques, est abondant en République démocratique du Congo, même s’il est surnommé « le diamant de sang des batteries » en raison des conditions inhumaines de son exploitation. Ces métaux sont également nécessaires aux panneaux solaires et aux batteries utilisées pour stocker l’énergie éolienne.
L’augmentation des investissements dans les énergies vertes pourrait aider l’Afrique, mais d’autres craignent que cela n’entraîne une exploitation accrue des populations.
Nnimmo Bassey, architecte, environnementaliste et poète, affirme qu’historiquement, l’investissement dans les infrastructures africaines n’a pas généré de bénéfices favorables.
Pendant des décennies, Bassey a été le fer de lance de la lutte de Health Of Mother Earth Foundation contre l’injustice et la dévastation environnementale causées par l’exploitation minière et des combustibles fossiles. Selon lui, les investissements étrangers en Afrique sont une sorte « d’exploitation, de suprématie et de colonialisme ». Aussi prévient-il que le passage aux énergies renouvelables n’est pas nécessairement une transition équitable.
Projets de combustibles fossiles
La majorité des mines sont reliées aux ports par des routes et des lignes ferroviaires construites par l’Occident et la Chine. Ces investissements dans les infrastructures ne sont pas destinés à améliorer la vie des gens, mais plutôt à accélérer l’exportation des richesses naturelles.
Il met en garde contre des plans d’investissement tels que le Global Gateway de l’Union européenne, affirmant qu’ils ne parviendraient pas à empêcher l’exploitation, puisque les populations sont exclues des procédures de décision.
La culpabilité ne repose pas uniquement sur les épaules des Européens et des Chinois. Les dirigeants africains, comme le président sénégalais Macky Sall et le Nigérian Osinbajo, encouragent pour leur part de nouveaux projets de combustibles fossiles, permettant ainsi la poursuite de l’exploitation. « Ils attendent des combustibles fossiles qu’ils fournissent l’argent nécessaire à la reconstruction du pays », selon Bassey.
Cependant, un examen des 60 dernières années de dépenses liées au pétrole et au gaz révèle que pas un seul objectif n’a été atteint. Au lieu de cela, nous avons des écocides, des destructions catastrophiques et l’exploitation des peuples indigènes.
80 milliards de transferts illicites vers le Nord
Pire, selon les Nations unies, les pays africains perdent 80 milliards d’euros par an en transferts financiers illicites vers le Nord, dont la moitié au moins est liée à la vente de matières premières extractives. L’Union européenne est également regardante de la bonne gouvernance, et Global Gateway a été décrit comme un moment décisif qui va changer le statu quo. Cependant, il existe d’autres voies alternatives par lesquelles l’argent continue de quitter le continent africain.
Selon le Global Gateway de l’UE, 150 milliards d’euros de subventions et de prêts stimuleraient les investissements privés en Afrique. Néanmoins, même si cela signifie plus d’argent pour la révolution énergétique de l’Afrique, cela signifie aussi plus de dettes. Parce que les investisseurs privés perçoivent l’Afrique comme une proposition économique risquée, de nombreux pays africains consacrent déjà une part disproportionnée de leur budget au paiement de la dette, et l’épidémie actuelle de Covid-19 va aggraver ce problème.
Selon le Fonds monétaire international, plus de vingt pays africains à faible revenu devaient se retrouver en situation de catastrophe financière d’ici à la fin 2021. Au cours des cinq premiers mois de 2021, le service de la dette a en effet consommé 98 % du budget du
Nigeria. Entre 2011 et 2020, 74 % des bénéfices pétroliers du Ghana ont été consacrés au paiement de la dette.
« Le Nigeria ne peut pas assurer la transition vers l’abandon des combustibles fossiles parce qu’il dépend des bénéfices pétroliers et gaziers pour rembourser les investisseurs », soutient David McNair, responsable de One Campaign, une organisation à but non lucratif qui lutte contre l’extrême pauvreté.
L’injection d’argent prévue par Global Gateway est substantielle. Toutefois, sa dépendance à l’égard d’investisseurs privés exigeant des taux d’intérêt élevés risque d’exacerber le problème de la dette de l’Afrique, entraînant une perte de richesse supplémentaire. Ce qui pourrait contraindre les gouvernements africains à financer d’autres projets liés aux combustibles fossiles.