Le cardinal Laurent Monsengwo a rendu l’âme le dimanche 11 juillet 2021 dans un hôpital de Versailles à Paris, où il avait été évacué à bord d’un jet médicalisé, dans un état critique. C’était l’annonce faite par l’Archidiocèse de Kinshasa.

Si de graves ennuis de santé l’avaient éloigné de ses prises de position politique légendaires, le cardinal Monsengwo reste pour les Congolais une référence morale de premier ordre. La montagne d’hommages à l’annonce de son décès démontrent à suffisance la grandeur de l’homme.

« Un prince de l’Église qui œuvra longtemps au service du peuple »

Le président Félix Tshisekedi a salué pour sa part « un prince de l’Église qui oeuvra longtemps au service du peuple », alors que Martin Fayulu qualifie le cardinal Monsengwo de « ciment de la cohésion nationale ». JeanPierre Bemba, lui, dit garder du prélat « l’image d’un Père enjoué, altruiste et dévoué pour l’Église du Congo ».

Dans un communiqué quelques heures après le décès, les évêques de France ont rendu hommage à « une grande figure de l’Église catholique », un « homme de paix qui s’est inlassablement engagé pour le dialogue et la réconciliation dans son pays. Homme de détermination et de courage, il a dénoncé sans concession les dérives et compromissions politiques dont il était témoin ».

On ne peut mieux résumer la vie du cardinal Laurent Monsengwo. En effet, en 1990, il est déjà l’initiateur d’un mémorandum demandant plus de liberté au Maréchal Mobutu, alors au pouvoir depuis 25 ans.

Et lorsque le vent de la démocratie souffle sur l’Afrique à la faveur de la Perestroïka et du discours de François Mitterrand à La Baule, au Congo c’est lui qui se voit confier la direction de la Conférence nationale, qui va irrémédiablement démystifier l’homme à la toque de léopard.

Et les éloges commencent à fuser. Devant l’incomparable maestro avec lequel ce brillant homme va conduire les travaux, un politicien congolais aura du mal à se retenir: « Mgr Monsengwo est un homme extraordinaire », dirat-il devant les journalistes. Un autre rétorquera: « Non. Monsengwo est un homme ordinaire. C’est nous qui avons cessé d’être ordinaires ». L’archevêque émérite ne se départira jamais de son franc parler. L’homme de Dieu, avec son calme olympien, est alors au zénith de l’estime et jouit d’une cote de popularité qui fera croire à ses détracteurs qu’il lorgne vers la présidence. Il échappera d’ailleurs à une tentative d’assassinat de la part des sbires de Mobutu.

C’est avec raison que le Maréchal-président se méfiait de cet intellectuel, doté de capacités exceptionnelles, d’où il tirait une assurance de soi. Parfait polyglotte – il maîtrisait le français, l’allemand, l’anglais, l’italien, le néerlandais, l’espagnol et le portugais, sans oublier le latin – Monsengwo est le premier Africain à être proclamé docteur en Exégèse à Rome, en 1971. Il sera également le premier Africain secrétaire spécial d’un Synode des évêques, en 2008. Grand tribun et d’un franc-parler désarçonnant, les homélies de l’archevêque émérite étaient attendues de tous, alors que du côté du pouvoir, elles étaient savamment scrutées.

« Il est temps que les médiocres dégagent »

En 1998, alors qu’il ne s’occupe que de son archidiocèse de Kisangani, la politique vient de nouveau s’imposer à lui. Il va y assister impuissant à l’affrontement à l’arme lourde entre les armées de deux pays, le Rwanda et l’Ouganda, avec un bilan macabre de près de 2.000 morts parmi les civils congolais, qui sont ses fidèles. Il n’oubliera jamais ces horreurs et, en 2006, sollicite l’instauration d’un Tribunal pénal international. En vain.

En 2011, il contestera publiquement la réélection de Joseph Kabila face à Étienne Tshisekedi, estimant que les résultats n’étaient « conformes ni à la vérité, ni à la justice ».

Mais c’est à la suite de tentatives pour un 3ème de Joseph Kabila, en 2016, et de manifestations de protestation initiées en 2017 par les catholiques et violemment réprimées, qu’en soutien à l’opposition, le cardinal Monsengwo prononcera, en 2018, cette phrase restée mémorable: « Il est temps que les médiocres dégagent ». Une idée reprise par l’évêque protestant Ekofo, avant d’aller en exil.

« Un des rares Congolais qui faisaient l’unanimité »

Né le 7 octobre 1939, Laurent Monsengwo est ordonné prêtre en 1963 à Rome, où il est envoyé aux études après le Grand séminaire de Kabwe et le Petit séminaire de Bikoro.

En 1980, il est fait évêque par le pape Jean-Paul II, avant de devenir archevêque de Kisangani en 1988 puis de Kinshasa en 2007. En 2010, Benoît XVI le fait cardinal. Membre d’innombrables sociétés savantes, il représentait Afrique au Collège des neuf cardinaux (gouvernement du Vatican).

Il a été président du Symposium des Conférences épiscopales d’Afrique et Madagascar et par deux fois, il est président de la Conférence épiscopale congolaise.

Le cardinal Monsengwo a été « un des rares personnalités congolaises qui faisaient l’unanimité », pour paraphraser le sénateur Gilbert Kiakwama, alors que pour la ministre Eve Bazaiba, « le cardinal était une bibliothèque sociopolitique, un scientifique de haute facture, un prélat dévoué et un défenseur acharné des intérêts de l’Eglise et du peuple congolais ».

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