Au cours d’un débat entre politiciens congolais, l’un des protagonistes a qualifié la RDC de  « république bananière ». Il faisait allusion à une altercation publique qui avait eu lieu entre deux responsables politico-administratifs de haut rang. Mais que signifie réellement ce concept ?

La locution nominale « Une république bananière » désigne, à l’origine, un pays peu développé, dont l’économie repose quasiment sur une seule production, la banane, et où une petite oligarchie règne en maître, avec le soutien de multinationales opérant dans l’agroalimentaire. Par extension, cette expression qualifie un régime politique dictatorial et corrompu.
Suivez-moi dans ce long périple en Amérique latine, plus précisément au Guatemala, et découvrons ensemble dans quel contexte est née cette expression.  

Le Guatemala est un petit pays d’Amérique centrale, voisin du Mexique, du Salvador et du Honduras. Il couvre 108.889 km2 pour environ 13.000.000 d’habitants. L’économie du Guatemala repose en grande partie sur la production de bananes. 
À la suite de l’assassinat, début 1898, du président de la République, José María Reina Barrios, Manuel Estrada Cabrera assume l’intérim, jusqu’à sa propre élection à la présidence, en 1904. Il accomplit un premier mandat en accord avec la Constitution, puis, la modifie, de sorte qu’il est reconduit, en 1910 et en 1916.

Les attributs d’une république bananière réunis

Ce régime se caractérise par la diversification et la consolidation de la fortune des dirigeants par la production bananière ; la mise sous tutelle, dès l’année 1901, de l’économie et de la politique du pays par la société nord-américaine United Fruit Company, principal producteur de bananes.
Hormis dans l’agriculture et les plantations fruitières, la mainmise de United Fruit Company s’exerce dans des domaines aussi variés que la communication et les transports, le bâtiment et les travaux publics, la fiscalité et les finances publiques, le tarif douanier et les échanges internationaux. La politique du Guatemala est donc d’abord discutée et décidée dans les bureaux de la Company.

Le Guatemala se caractérise également par la limitation, puis la liquidation des libertés publiques et de toute pratique démocratique ainsi que la répression sévère de l’opposition civile et militaire par la police secrète. Mais aussi le musellement de la presse et l’interdiction des pratiques syndicales et associatives, sous peine de poursuites en justice, la militarisation des plantations et l’enrichissement personnel de Manuel Estrada Cabrera et de ses collaborateurs.
L’étatisation et l’officialisation de fêtes privées, qui deviennent des « fêtes nationales », les jours anniversaires de la naissance du président et de sa mère sont également célébrés. En mars 1920, le dictateur est renversé par une coalition de tous les mouvements d’opposition. Arrêté, il meurt en prison, après avoir été contraint de rembourser l’argent détourné.

Des ressemblances avec d’autres régimes connus ?

Chaque fois que dans un pays, certaines des conditions que nous venons de décrire sont remplies, vous serez fondés à le qualifier de « république bananière », ou, selon des néologismes apparus il y a peu, de « Gondwana » ou « de pays de merde ».
Pour bien montrer l’intime collusion qui existe, dans une république bananière, entre le monde des affaires et le monde politique, il est bon de signaler que la fameuse société United Fruit Company, qui faisait la pluie et le beau temps dans de nombreux pays d’Amérique latine, avait pour actionnaire principal un certain John Foster Dulles, qui occupera les fonctions prestigieuses de Secrétaire d’État dans l’Administration américaine.

Son frère cadet, Allen Welsh Dulles, fut le premier Directeur non militaire de la Central Intelligency Agency, plus connue sous le sigle « CIA ». À ce titre Allen Dulles assura la supervision, en 1954, d’un coup d’état au Guatemala.
Autour de nous, certains dirigeants ou anciens dirigeants connus se sont également employés, avec leurs familles, à détenir, à eux seuls, selon certaines Organisations non gouvernementales spécialisées dans la lutte contre la corruption, jusqu’à une centaine d’entreprises opérant dans les secteurs-clefs de l’économie, dont les mines, l’importation et la distribution de produits alimentaires de consommation courante.
Pour que votre connaissance soit parfaite, sachez que l’expression « une république bananière » a été créée par le journaliste-écrivain novelliste William Sydney Porter, plus connu par le grand public sous le pseudonyme de O. Henry.

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