Alors que l’Europe est durement frappée par la canicule et la sécheresse et ravagée par les feux de forêts, le continent africain n’est pas non plus exempté par les changements climatiques

Différents phénomènes liés au climat se manifestent de manière de plus en plus aiguë et répétée sur le continent. L’Afrique est plus vulnérable aux changements climatiques que toute autre région de la planète.

Les températures et les niveaux marins sont en hausse, menaçant la vie et les moyens de subsistance des peuples vivant tant dans les zones arides que dans les régions côtières. Les migrations des régions les plus affectées provoquent des flux de populations vers des zones déjà fragilisées, entraînant souvent des conflits quant aux ressources ainsi que des changements des structures sociales traditionnelles.

Des recherches ont révélé que le changement climatique est un multiplicateur de menaces, exacerbant les enjeux existants tels que l’instabilité politique, la pauvreté et le chômage. Inversement, la fragilité des États et la médiocrité de la gouvernance sont parmi les principales circonstances qui handicapent la capacité des communautés à s’adapter au changement climatique.

Entre-temps, la population africaine est en rapide augmentation. D’ici à 2060, le continent passera de 1,2 milliard actuellement à 2,8 milliards habitants, imposant de plus lourdes demandes sur les ressources disponibles.

L’Afrique incontournable dans la lutte contre le changement climatique (Source : klapeers.com)

Vagues de chaleur et incendies de forêts en Afrique du Nord

Au Maroc, des canicules se succèdent depuis la mi-juin 2022, avec des températures de 45°C qui frôlent le record absolu de 50 °C enregistré en juillet 2021 à Sidi Slimane, dans le Nord-Ouest. Selon la direction de la météo, 2020 a été l’année la plus chaude jamais connue par le royaume, avec une température moyenne annuelle de +1,4°C par rapport à la période 1981-2010 – une mesure très concrète du réchauffement climatique.

Par ailleurs, les feux de forêts font rage, comme en Tunisie et en Algérie, où les épisodes caniculaires courts se répètent depuis 2018 aux mois de juin et juillet, et où les incendies de forêts sont redoutés.

En 2020, 44 000 hectares ont été brûlés alors que les feux ont fait 90 morts en 2021. Les zones arides sont durement touchées par la sécheresse, qui a causé une famine sévère en Somalie en 2010 et menace à nouveau en 2022 – avec la pire pénurie d’eau depuis 1981, selon les Nations Unies.

Au Sahel, ce phénomène s’avère de plus en plus intense, une étude de 2018 affirmant même qu’en « 1 600 ans d’histoire climatique, la sécheresse actuelle du Sahel est sans précédent ».

L’Afrique australe n’est pas épargnée. La Namibie a déclaré l’urgence nationale en 2013, 2016 et 2019, lorsque la dernière sécheresse, sans précédent depuis 90 ans, a tué 100 000 têtes de bétail et ruiné l’agriculture.

Avec une période de rationnement strict de l’eau au Cap en 2018-2019, l’Afrique du Sud a de son côté connu un avant-goût des mesures drastiques qui vont s’imposer à moyen terme. Anticipant sur le stress hydrique à venir, les projets de désalinisation de l’eau de mer essaiment, du Maroc à l’Afrique australe.

Assèchement des lacs

Conséquence directe de la sécheresse, les eaux des lacs s’évaporent. Le lac Tchad, vaste oasis dans le Sahel, qui a déjà disparu et réapparu au cours de son histoire, a perdu 90% de sa superficie en 60 ans, faisant plus de 2 millions de déplacés. L’inquiétude plane aussi sur le plus grand lac d’Afrique, Victoria, menacé de disparition d’ici 500 à 1 200 ans, selon deux études scientifiques américaines.

Au Mali, le lac Fabiguine est à sec depuis 2021, près de Tombouctou, tandis qu’à Djibouti, celui d’Assal – le plus salé du monde – est partiellement asséché.

Paradoxalement, depuis 2018, les eaux douces du lac Tanganyika, le plus long du monde (670 km) et l’un des plus profonds, ne cessent de monter – de presque deux mètres ces quatre dernières années. Elles provoquent des inondations, qui ont fait 15 morts en 2019 et touché 52 000 personnes au Burundi en 2021, en raison de pluies torrentielles attribuées au changement climatique.

Cyclique, le phénomène se produisait tous les 50 à 60 ans, selon l’Institut géographique du Burundi. Il se reproduit maintenant tous les ans. Il en va de même pour les cyclones tropicaux, qui ne s’abattent plus à Madagascar et au Mozambique une fois tous les deux ou trois ans, mais… tous les ans, voire deux fois par an.

Après le cyclone Idai qui a noyé la ville de Beira et fait 1 000 morts à travers trois pays en mars 2019, c’est Kenneth, encore plus intense, qui a dévasté le Mozambique un mois plus tard avec des vents de plus de 185 km/h. Ont suivi la tempête tropicale Chalane en décembre 2020, le cyclone Eloise en janvier 2021, la tempête Ana en janvier 2022 et le cyclone Gombe en mars 2022.

En cause : les 2 700 km de littoral le long du canal du Mozambique, qui sépare le pays de Madagascar. Dans cette mer chaude, la température de l’eau dépasse parfois 29°C entre décembre et avril, durant l’été austral, période favorable aux cyclones.

Afrique : le changement climatique déjà à l’œuvre (Source : initiativesfleuves.org)

Des inondations

Les banlieues de Dakar pataugent chaque hivernage dans des inondations récurrentes depuis 2005. Des records de crues se succèdent aussi depuis 2010 sur le fleuve Niger à Niamey, avec 57 morts et 300 000 personnes déplacées en août 2020.

Les mêmes catastrophes, signes d’un climat qui devient plus extrême, prévalent dans toute l’Afrique de l’Ouest, où 760 000 personnes ont été exposées aux inondations en 2020, ainsi qu’au Soudan et en Afrique orientale.

Le « dipôle positif », une différence de température à la surface de la mer entre les zones est et ouest de l’océan Indien, provoque des inondations récurrentes au Kenya et au Mozambique. Celles-ci se sont étendues cette année en Afrique du Sud (443 morts en avril). Lorsque les eaux sont plus chaudes près des côtes, l’évaporation augmente, et les pluies aussi.

L’érosion côtière gagne en moyenne 1,8 mètre par an sur 56 % du littoral du Bénin, de la Côte d’Ivoire, du Sénégal et du Togo, selon une étude de la Banque mondiale publiée en 2019.

Dans certains endroits, la mer a gagné 2 km sur les terres en deux décennies – sans certitude, cependant, sur le fait que ce soit la conséquence de l’activité humaine, comme la construction de ports en eau profonde ou des barrages sur les fleuves qui limitent l’apport de sable en bord de mer.

La fonte des calottes glaciaires, quoi qu’il en soit, menace les villes côtières partout dans le monde. Une étude du groupe de recherche indépendant Climate Central en 2021 a fait couler de l’encre en Afrique du Sud, en raison des risques d’engloutissement encourus par Le Cap et Durban, photos spectaculaires à l’appui. Alexandrie, adossée à un lac et dont le terrain s’affaisse, préoccupe l’Égypte. 7

Selon une étude publiée en 2018, 6,5 millions de personnes pourraient émigrer de ce bassin industriel situé dans le delta du Nil d’ici à 2030, en raison des inondations.

La Méditerranée a monté de 1,8 mm par an de 1940 à 1993, un rythme qui a presque doublé selon le gouvernement, pour atteindre 3,2 mm depuis 2012 (soit 3 cm de hausse en dix ans, contre 4 cm les 20 années précédentes).
Les espèces qui dépendent d’un environnement particulier, comme les lémuriens de Madagascar ou les éléphants de forêts d’Afrique, risquent de disparaître avec la hausse des températures.

De même que les deux tiers des espèces animales sous les tropiques, si l’humanité ne réduit pas ses émissions de gaz à effet de serre, selon une vaste étude publiée en 2021 par Biological Conservation.

Des espèces d’oiseaux sont déjà en voie d’extinction en Afrique de l’Est, tandis que la population d’éléphants en Afrique a chuté de 70 % depuis 1980 à cause du braconnage et de la destruction des habitats.

Elle pourrait s’éteindre d’ici à 2040, selon le World WildlifeFund (WWF). Un tiers des plantes tropicales africaines, soit 22 000 espèces, se trouve en voie d’extinction en raison de la déforestation, de la croissance démographique et du changement climatique, selon une étude pionnière de Sciences Advances, publiée en 2019. Encore un tiers est classé « rare » et potentiellement menacé.

Les pays les plus touchés se situent en Afrique de l’Ouest, en plus de l’Éthiopie, de la République démocratique du Congo et de la Tanzanie. L’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), dont les données ont servi de base à l’étude de Science Advances, tient à jour une liste rouge d’espèces menacées qui va en s’allongeant, sans focus régional autre que l’Europe et la Méditerranée malheureusement.

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