Du 1er au 7 août, la majorité des pays d’Afrique de l’Ouest célèbre leur indépendance. Le Bénin ouvre la série le 1er août et la Côte d’Ivoire la referme le 7 août. Entre temps, le Burkina Faso célèbre la tienne le 5 août et le Niger le 3 août. En 2021, cela fait 61 bougies que les uns et les autres soufflent. Cependant, un coup d’œil dans le rétroviseur montre que ces indépendances ne sont pas la panacée pour les pays africains au vu de certains faits et gestes constatés dans l’évolution et la vie de ces nations.

Le premier de ces faits est l’immixtion du pays colonisateur dans le choix des dirigeants des pays dits indépendants. En Afrique de l’Ouest, même si l’on ne le dit pas, aucun chef d’Etat ne peut accéder à la magistrature suprême sans l’aval de Paris. L’Elysée fait et défait les chefs d’Etat en Afrique de l’Ouest. En outre, un autre aspect de la non indépendance réelle des pays africains, est le choix des politiques économiques utiles pour ces pays. C’est la France encore, avec la bénédiction des institutions de Bretton Woods qui dicte sa loi. La preuve intangible est celle du franc Cfa.

Cette monnaie utilisée par les pays de l’UEMOA ainsi que ceux de la CEMAC est l’illustration parfaite de la servitude monétaire. On ne peut pas parler d’indépendance lorsque votre monnaie est fabriquée ailleurs et, le taux de change adossé à une monnaie internationale et à parité fixe. Aussi, le fait pour les pays africains de se rabattre sur Paris pour résoudre leurs conflits font qu’ils sont tenus comme en laisse par ce pays. Nonobstant ce constat, il n’en demeure pas moins que ces périodes de la vie de ces nations se sont déroulées en présence de témoins dont on a qualifié de pères de l’indépendance.

En souvenir….

Le 5 août 1960, Maurice Yaméogo proclame l’indépendance de la Haute-Volta à la radiodiffusion nationale.  Les Africains prennent les rênes du pouvoir. La population qui ne bénéficie pas des mêmes droits que les colons français accueille ce jour avec soulagement. Démantelée en 1932 pour fournir de la main d’œuvre aux colonies voisines (Soudan français actuel Mali, Niger, Côte d’Ivoire), la Haute-Volta est reconstituée en 1947 avec les droits acquis des colonies françaises d’Afrique dont la représentation nationale.

La Haute-Volta, territoire pauvre, ne bénéficie alors d’aucune politique de mise en valeur. En mars 1957, la nouvelle Assemblée territoriale est élue au suffrage universel. Elle désigne un gouvernement de douze membres présidé par Ouezzin Coulibaly, l’un des grands leaders africains, mort en 1958.

Le 28 septembre 1958, la Haute-Volta répond « oui » au référendum proposé par le général de Gaulle. Elle devient donc une République autonome le 11 décembre 1958, au sein de la Communauté fondée par de Gaulle. Maurice Yaméogo s’impose comme le chef du gouvernement. En mars 1959, le pays se retire du projet de Fédération du Mali qui réunissait la Haute-Volta, le Soudan français, le Dahomey et le Sénégal. Elle adhèrera deux mois plus tard au Conseil de l’entente (Niger, Dahomey actuel Bénin, Côte d’Ivoire) mené par l’Ivoirien Félix Houphouët-Boigny.

Au Bénin…

Le 28 septembre 1958, le Dahomey dit « Oui » au référendum instituant la Ve République en France et à la Communauté française. Le 4 décembre 1958, Apithy est tout nouveau président du Conseil de gouvernement. Mais ironie du sort, contrairement à ce qui s’est passé dans la plupart des anciennes colonies accédant à l’indépendance, cette position de président du Conseil de gouvernement ne le portera pas à la tête du nouvel État. En avril 1959, la première Assemblée nationale dahoméenne est élue sans majorité politique distincte.

C’est alors un gouvernement d’union nationale qui conduira le pays à l’indépendance. Deux grands groupes politiques se constituent et s’opposent au sud du pays autour de deux leaders, Apithy et Ahomadégbé, inconciliables. Cette situation profite à Hubert Maga qui reçoit le soutien de l’Union démocratique dahoméenne (UDD-RDA) de Justin Ahomadégbé. Maga est élu premier président du Dahomey, le 26 juillet et proclame l’indépendance du pays le 1er août 1960.

Au Tchad, l’on se souviendra de François Tombalbaye

L’accession de ce pays à l’indépendance montre que l’indépendance de la majorité des pays issue des colonies françaises n’a pas été acquise mais donnée. L’on se souvient des anecdotes et des incidents « petits » ou « grands » qui ont émaillé la célébration de cette journée du 11 août 1960. Le 11 août 1960, sur le perron de l’hôtel de ville de Fort-Lamy, François Tombalbaye, Premier ministre prononce le discours d’indépendance du Tchad aux côtés d’André Malraux, représentant du général de Gaulle et de la France.

Dans la cour de l’hôtel de ville, les convives composés essentiellement de l’élite locale, des fonctionnaires, des politiciens, notables et commerçants assistent debout au discours quand, soudain, une coupure d’électricité survient. L’ancien Premier ministre Alingué Jean Bawoyeu, jeune fonctionnaire à l’époque, se souvient : « Il y a eu ce petit incident quand la lumière s’est éteinte.

Mais en bon enseignant, Tombalbaye, qui avait sans doute une bonne partie de son discours en tête, s’est débrouillé avant que le ministre Malraux ne l’aide avec une lampe torche ». Le lendemain matin, dans la cour de la résidence de Gabriel Lisette, ancien Premier ministre qui fut administrateur des colonies, une scène surréaliste survient. François Tombalbaye, Pierre Toura Ngaba et Gabriel Lisette se disputent des bouts de tissus.

Il s’agit des trois couleurs qui devraient composer le drapeau du jeune État. « On avait commandé des rouleaux des trois couleurs. Au moment de constituer le drapeau, les trois leaders du parti progressiste tchadien (PPT/RDA) se battaient pour avoir l’honneur de composer le drapeau. Finalement, Tombalbaye a envoyé chercher Seïna Mani, un grand commerçant qui a soutenu le PPT/RDA pour lui demander de composer le premier drapeau du Tchad », raconte l’homme politique Issakha Ramat Allahamdou.

Plus tard, commence le défilé des différentes délégations conviées aux festivités. Une jeune fille superbement habillée, perchée sur un char, ouvre le défilé. À sa suite, des chevaux harnachés, des ballets de musiciens traditionnels jouant ici de la flûte, là du tambour, agrémentent le premier défilé de l’indépendance du Tchad. Mais la fête n’est pas du goût des premières autorités qui programment les vraies festivités pour la fin de l’hiver, en janvier 1961, pour permettre à toutes les provinces de participer. Ainsi devient indépendante, la République du Tchad.

Georges Konan

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