Le procès de l’assassinat du Président Thomas Sankara et 12 de ses collaborateur s’est ouvert le 11 octobre 2021. En l’absence du principal accusé, Blaise Compaoré et l’homme à la gachette facile Hyacinthe Kafando, ce sont 12 personnes avec à leur tête, le général Gilbert Diendéré qui répondent de complicité d’assassinat, de recel de cadavres, d’attentat contre la sûreté de l’Etat et de subordination de témoins. Tous les accusés ont plaidé non coupable. Décryptage d’un procès où se déroule une danse macabre autour d’un cadavre.

Le procès de l’assassinat de Thomas Sankara et de ses compagnons s’est ouvert le 11 octobre dans un engouement affirmé de la population de Ouagadougou. Un procès historique attendu depuis 34 ans. (Source: thomassankara.net)

Dès l’ouverture de l’audience, les avocats de la défense ont demandé le report du procès pour s’enquérir du dossier. Deux semaines après, soit le 25 octobre, l’audience a repris avec l’audition des accusés. Après le premier accusé, le deuxième appelé à la barre est Gilbert Diendéré qui a plaidé non coupable. « Présent ! » Il est le deuxième des accusés appelés, et sa voix forte et distincte se propage dans chaque recoin de la salle des banquets de Ouaga 2000.

Au premier jour du procès de l’assassinat de Thomas Sankara et de 12 de ses compagnons, Gilbert Diendéré est apparu serein, voire souriant, le port droit, sa longue et fine silhouette repliée sur un siège dans l’espace réservé aux 14 accusés. Comme l’ancien président Blaise Compaoré, dont il est resté le fidèle bras droit depuis la révolution engagée en 1983, le général Diendéré est accusé d’ « attentat à la sûreté de l’État », de « recel de cadavres » et de « complicité d’assassinat » dans cette affaire. Mais, à l’inverse de Compaoré qui ne comparaîtra pas à ce procès, il est bien là.

Au point de déstabiliser les militaires installés à quelques mètres ? Six d’entre eux doivent être tirés au sort pour participer au jugement. Trois en tant qu’assesseurs, qui composeront la cour aux côtés de deux magistrats professionnels, et trois en tant que suppléants. Mais ils se récusent les uns après les autres. Certains prétextent des soucis de santé, des obligations professionnelles.

D’autres mentionnent clairement leurs « liens d’amitié » avec les accusés. Le président de la chambre de première instance du tribunal militaire, Urbain Méda, s’impatiente presque. « Qu’avez-vous à dire ? demande-t-il à un énième officier désigné au hasard. Les amitiés, on va arrêter. » Puis il déplore, flegmatique : « Personne ne veut siéger dans ce dossier-là. » Une vague de rires traverse la salle.

Saura-t-on réellement ce qui s’est passé le 15 octobre 1987 ?

A la barre, le Général Gilbert Diendéré ne reconnait pas les faits. Il ne reconnait pas avoir participé à l’assassinat de Thomas Sankara. Durant près d’une semaine, les avocats de la défense ont posé des questions à Gilbert Diendéré.

Le général Gilbert Diendéré, photographié au palais présidentiel pendant le coup d’Etat, à Ouagadougou (Burkina Faso), le 17 septembre 2015. (AHMED OUOBA / AFP)

Ce premier jour de procès a aussi été marqué par le défilé de « Faso Dan Fani », un pagne de coton tissé à la main et popularisé par Thomas Sankara, qui en avait fait l’emblème du « produire et consommer local ». Si les successeurs du régime de Blaise Compaoré, démis de ses fonctions le 31 octobre 2014, arborent volontiers des tuniques courtes ou sous les genoux en Faso Dan Fani, les anciens du régime Sankara venus assister à l’ouverture du procès affirment, eux, n’avoir jamais cessé de s’habiller ainsi. Leurs retrouvailles sont émouvantes.

Ils se donnent du « Camarade ministre », « chef CDR (Comité de défense de la révolution) ». « Ça fait vingt ans que je te cherche ! » lâche l’un d’eux en croisant Raymond Poda, magistrat qui fut le Premier ministre de la Justice de « Thomas », et artisan des Tribunaux populaires révolutionnaires (TPR). « Pour rien au monde je n’aurais manqué l’ouverture du procès. Aujourd’hui, je suis très fier. Le peuple a empêché toutes les obstructions, il a obligé le contradicteur à l’écouter. Sans la détermination de tous ceux qui se sont mobilisés, la messe était dite », estime-t-il. « La messe » est la thèse accréditant la légitime défense qui a accompagné la « rectification » de la révolution par Blaise Compaoré à partir du 15 octobre 1987 : Sankara prévoyait de l’éliminer, ses hommes ont donc cherché à l’arrêter, mais l’opération a mal tourné.

« Nous, on connaît toute l’histoire, on sait ce qui s’est passé », poursuit-il. Un débat s’engage alors avec l’ancien chef des CDR Abdul Salam Kaboré : « Non, on veut savoir qui a appuyé la gâchette. Mais la volonté de tuer était là, on sait d’où ça vient ! Qui a ordonné, on sait. Mais qui a osé tirer sur Thomas ? » Cette question risque de ne jamais trouvé de réponse à partir de ce procès….

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