L’opposant personnel de Vladimir Poutine, à savoir Alexeï Navalny, est décédé le 16 février 2024, dans des circonstances qui demeurent floues, au Centre pénitentiaire de Kharp, en Arctique, où il était détenu, après sa condamnation depuis 2021.

Un codétenu de Navalny témoigne des évènements inhabituels survenus dans le centre pénitentiaire avant l’annonce de la mort de l’opposant russe.
Le codétenu de Alexeï Navalny s’est exprimé au journal d’opposition russe Novaïa Gazeta. Ses propos ont été relayés par la presse occidentale.
Selon lui, « un mystérieux tumulte » a éclaté dans la colonie pénitentiaire IK-3, dans l’Arctique, le jeudi soir, soit quelques heures avant l’annonce de la mort de Navalny. En effet, précise-t-il, des fouilles accélérées ont eu lieu, ce qui est inhabituel pour un jour quelconque. Les gardes auraient ensuite renforcé la sécurité. Selon le codétenu, il était possible d’entendre des voitures pénétrer dans la prison durant la nuit, même s’il était impossible de voir à travers les fenêtres des cellules.
Le matin de l’annonce de la mort de l’opposant russe, les gardiens auraient fouillé et confisqué plusieurs téléphones et jeux de cartes des détenus.
« Cela donnait l’impression qu’une inspection extérieure était imminente », dit-il, puisque ce genre de confiscation soudaine est très inhabituelle. L’administration prévient les détenus plusieurs mois à l’avance s’il y a une inspection. « Il a dû se passer quelque chose », explique le détenu.
L’information de la mort de M. Navalny s’est répandue dans la prison vers 10h, ce matin-là. « Je pense donc qu’il est mort bien plus tôt que ce qui a été annoncé officiellement, probablement la nuit précédente », suppose le codétenu. « Sinon, pourquoi nous enfermer et nous fouiller si minutieusement ? »

« Ils étaient désemparés »

Selon le prisonnier, le directeur de la prison et le chef de la colonie pénitentiaire semblaient désemparés après l’annonce de la mort de Navalny. De plus, les inspecteurs seraient arrivés à la colonie pénitentiaire juste au moment de l’annonce du décès. Le codétenu y voit la preuve que Navalny est effectivement mort plus tôt que ne le prétendent les autorités.

La genèse

Alexei Navalny accusé d ‘«extrémisme», lors d’un de ses procès (Image source : lesactualite.news)

Alexeï Navalny, né le 4 juin 1976 à Boutyne dans l’oblast de Moscou, est un avocat, militant anticorruption, homme politique et prisonnier politique russe. Il organise des manifestations et plaide en faveur de réformes contre la corruption en Russie et le régime de Vladimir Poutine.
Membre du Conseil de coordination de l’opposition, il est le dirigeant du Parti du progrès, devenu Russie du futur, et fondateur de la Fondation anticorruption (FBK). Dans un blog anticorruption, il publie avec son équipe des documentaires sur la corruption en Russie et organise des manifestations.
Dans un entretien en 2011, il décrit le parti au pouvoir, Russie unie, comme le « parti des escrocs et des voleurs », un qualificatif qui devient viral et populaire.
En 2021, son compte a plus de six millions d’abonnés sur YouTube. Il gagne en popularité lors de la contestation des élections législatives de 2011.
Il se présente aux élections municipales de Moscou en 2013 et termine en deuxième position avec 27% des voix, dépassant les attentes mais perdant face au maire sortant, Sergueï Sobianine, soutenu par Vladimir Poutine.

Les premières condamnations

Plus tôt en 2013, Alexeï Navalny est condamné avec sursis pour détournement de fonds puis, l’année suivante, à une autre peine avec sursis pour détournement de fonds. Deux affaires largement considérées comme politiquement motivées pour l’empêcher de se présenter aux élections futures.
La Cour européenne des droits de l’homme estime qu’elles violaient le droit à un procès équitable. Mais les peines ne sont pas annulées.
En 2016, il lance sa campagne pour l’élection présidentielle de 2018 mais en est exclu par la Commission électorale en raison de sa condamnation pénale antérieure. Son appel est rejeté.
En 2017, il publie le documentaire « Ne l’appelez pas Dimon », accusant le chef du gouvernement d’alors, Dmitri Medvedev, de corruption et provoquant des manifestations de masse. En 2018, Navalny lance le « vote intelligent », une stratégie de vote tactique qui consiste à consolider les voix de ceux qui se présentent contre le parti Russie unie pour que celui-ci perde des sièges aux élections.

La descente aux enfers

Alexeï Navalny est hospitalisé en 2020 dans un état grave, après avoir été empoisonné au Novitchok. Évacué à Berlin, il accuse Poutine d’être responsable. Une enquête menée par Bellingcat et The Insider incrimine des agents des services secrets du FSB.
Rentré en Russie en janvier 2021, il est arrêté à l’aéroport, en présence de son épouse et de ses partisans, pour violation de son contrôle judiciaire imposé à la suite de sa condamnation en 2014, alors qu’il était hospitalisé en Allemagne. Après son arrestation, son équipe publie le documentaire « Un palais pour Poutine : L’Histoire du plus gros pot-de-vin », accusant Poutine de corruption et conduisant à d’importantes manifestations.
Il est condamné plusieurs fois à partir de février 2021, notamment à 19 ans d’emprisonnement pour « extrémisme », tandis que ses organisations sont liquidées, pour connivence avec l’ennemi, à savoir l’Occident. Il est reconnu par Amnesty International comme prisonnier d’opinion et reçoit le Prix Sakharov pour son activité en faveur des droits de l’homme. Il disparaît pendant près de trois semaines en décembre 2023, puis réapparaît dans une nouvelle prison du cercle arctique, où il meurt à l’âge de 47 ans.

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