Le président français Emmanuel Macron a annoncé, le dimanche 10 mars, qu’un projet de loi sur une « aide à mourir » sera présenté en avril en Conseil des ministres. Mais il est important de savoir ce va distinguer cette nouvelle loi de l’euthanasie ou du suicide assisté ?
Le point de la situation.

Après de longs mois d’attente, le président français Emmanuel Macron a dévoilé mi mars dans un entretien aux quotidiens Libération et La Croix les contours du futur « modèle français sur la fin de vie ». Le texte, qui doit être présenté en avril en Conseil des ministres, sera examiné à partir du 27 mai à l’Assemblée nationale.
Il convient de savoir que cet accompagnement vers la fin de vie ne sera possible qu’à plusieurs conditions. Il sera réservé aux personnes majeures, capables d’un discernement « plein et entier ».
En sont donc exclues les personnes atteintes de maladies psychiatriques ou neurodégénératives qui altèrent le discernement, telles qu’Alzheimer. Les personnes admissibles devront par ailleurs être atteintes d’une maladie incurable, avec un pronostic vital engagé à court ou moyen terme, et de souffrances impossibles à soulager, explique-t-on.
« Le terme que nous avons retenu est celui d’aide à mourir, parce qu’il est simple et humain et qu’il définit bien ce dont il s’agit », fait valoir le chef de l’État français, pour qui le choix retenu n’est ni celui de l’euthanasie, ni celui du suicide assisté.
« Une tromperie », dénonce le président de la Conférence des évêques de France. Dans une interview a La Croix, Mgr Eric de Moulins-Beaufort critique un texte « qui ouvre à la fois le suicide assisté et l’euthanasie », selon les termes du prélat.

Quelle réalité recouvrent ces différents termes ?

Des manifestants à Bruxelles, en Belgique, défilent contre un projet de loi qui permettrait aux enfants en phase terminale de choisir l’euthanasie (Image d’archive : février 2014).Virginie Mayo/AP

Euthanasie : Le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) la définit comme un « acte destiné à mettre délibérément fin à la vie d’une personne atteinte d’une maladie grave et incurable, à sa demande, afin de faire cesser une situation qu’elle juge insupportable ». Cela suppose donc l’intervention d’un tiers qui accomplit le geste fatal.
En Europe, les Pays-Bas sont le premier pays à avoir légalisé l’euthanasie en 2001. La Belgique lui a emboîté le pas l’année suivante. L’euthanasie est aujourd’hui autorisée dans cinq pays européens : au Benelux, en Espagne et au Portugal.
Suicide assisté : À la différence de l’euthanasie, ici c’est la personne elle-même qui effectue le geste. « L’assistance au suicide consiste à donner les moyens à une personne de se suicider elle-même. Dans ce cas, la personne réalise elle-même son suicide en absorbant un produit létal qui lui a été préalablement délivré », indique le CCNE.
En Europe, le suicide assisté est légalisé en Suisse depuis 1942. Il est aussi autorisé aux Pays-Bas, au Luxembourg et en Autriche depuis une loi entrée en vigueur le 1er janvier 2022.
Aide à mourir : C’est donc le terme retenu par Emmanuel Macron. Un terme vague qui, selon l’ancien député Jean Leonetti, coauteur de loi Claeys-Leonetti sur la fin de vie en 2016, « peut être interprété comme un suicide assisté, une euthanasie ou bien le développement des soins palliatifs ».
Selon le projet de loi dévoilé par Emmanuel Macron dans son entretien à Libération et La Croix, l’administration de la substance létale sera effectuée par la personne elle-même ou, si elle en est incapable physiquement, par une personne volontaire ou par le médecin ou l’infirmier qui l’accompagne.
Sédation profonde et continue : Elle consiste à endormir définitivement les malades incurables et en très grande souffrance qui le souhaitent, si leur pronostic vital est engagé « à court terme » par leur maladie ou leur décision d’arrêter les traitements. Pour cela, on injecte au patient du midazolam en intraveineuse.
Avec l’arrêt simultané de l’hydratation et de l’alimentation, les spécialistes estiment que la mort survient aux alentours d’une semaine.
Il s’agit pour l’heure de la seule manière légale de mener le patient vers la fin de vie en France. Elle est permise par la loi Claeys-Leonetti, qui encadre la fin de vie des malades incurables. Cette loi prévoit l’arrêt des traitements en cas « d’obstination déraisonnable » (ou acharnement thérapeutique) : si le patient le souhaite, les traitements peuvent être « suspendus » lorsqu’ils « apparaissent inutiles, disproportionnés ou lorsqu’ils n’ont d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie ». Si le patient ne peut exprimer sa volonté, la décision doit être prise par les médecins de façon « collégiale ».

Un débat qu’aucune législation ne saurait épuiser ou résoudre

Quelques milliers de manifestants à Paris contre l’IVG et l’euthanasie (SEVGI/SIPA / SIPA)

En France, la loi Claeys-Leonetti de février 2016 a clarifié les conditions de l’arrêt des traitements au titre du refus de l’obstination déraisonnable, réaffirmant le droit du malade à l’arrêt de tout traitement et en lui permettant de bénéficier de la sédation profonde et continue jusqu’au décès, lorsque le pronostic vital est engagé à court terme. Il ne s’agit donc pas d’une euthanasie active, mais de la possibilité de diminuer la vigilance du mourant jusqu’à la perte de conscience, en laissant pour le reste la nature suivre son cours. Selon un sondage Ifop d’avril 2021, plus de la moitié de Français se prononce pour « un droit à une fin de vie libre et choisie », ce qui supposerait de revoir profondément la législation existante. C’est cette réflexion que mène depuis décembre 2022 « la convention citoyenne sur la fin de vie », annoncée en septembre par le président Emmanuel Macron.
En Suisse, le suicide assisté, en l’absence de « mobile égoïste », est autorisé depuis 1942. Il a été étendu aux prisonniers en février 2020. En Belgique, l’euthanasie active, autrement dit « l’acte pratiqué par un tiers, qui met intentionnellement fin à la vie d’une personne à la demande de celle-ci », est autorisé pour les majeurs – exceptionnellement les mineurs – qui en ont formulé le souhait de manière volontaire, réfléchie et répétée sans pression extérieure, quand le patient se trouve dans une situation médicale sans issue et fait état d’une souffrance physique ou psychique constante et insupportable qui ne peut être apaisée.
Ces législations beaucoup plus permissives ne dispensent pas pour autant de longs débats éthiques sur le bien-fondé de chaque décision. « Juger que la vie vaut ou ne vaut pas la peine d’être vécue, c’est répondre à la question fondamentale de la philosophie », écrivait Albert Camus en 1942, dans Le mythe de Sisyphe.

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