Après le Mali et le Burkina Faso, la France est obligée de faire ses bagages au Niger. D’où la lancinante question : le Sahel représente-t-il le début de la fin de l’influence française en Afrique ? Tentative de réponse.

La France semble perdre de plus en plus de son influence dans ses anciennes colonies. Deux mois après le coup d’État au Niger, qui a renversé le président Mohamed Bazoum, la France a annoncé, dimanche 24 septembre, qu’elle retirerait, d’ici à la fin de l’année, ses troupes positionnées dans ce pays. Une décision qui met fin au bras de fer engagé avec les militaires au pouvoir à Niamey.

Mais, cette décision « révèle les contradictions de la politique africaine de la France », selon Paul-Simon Handy, directeur régional Afrique de l’Est de l’Institut d’étude de sécurité (ISS).

« C’est en tout cas un retrait humiliant », estime M. Handy dans son analyse sur le revers français. Il explique: « La posture intransigeante d’Emmanuel Macron, partisan d’une ligne dure contre les putschistes depuis le début de la crise, n’augurait que deux issues : le clash avec les militaires nigériens ou un départ forcé.

En tout cas, le soutien au président Bazoum était légitime. D’ailleurs l’Union africaine (UA) et la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) sont sur cette ligne. Mais lorsqu’intervient un changement de régime, fût-il illégal, il convient de faire preuve de réalisme, au-delà de la réprobation. Bien que louable, la posture française a péché par une absence de pragmatisme politique et diplomatique », ajoute le spécialiste de l’ISS.

Paris semble avoir tout perdu, sinon presque. En ­matière ­politico-militaire, les bouleversements récents sont nombreux : le 24 février, le départ du contingent français de l’opération « Sabre » du Burkina Faso a été acté, là encore sur demande des autorités de transition du capitaine Ibrahim Traoré. Et, au-delà de la question des forces armées, c’est l’ensemble de l’influence française sur le continent africain qui est en recul.

C’est l’occasion pour la France de se poser des questions fondamentales : quels sont ses intérêts en Afrique ? Comment justifier la présence de bases militaires aujourd’hui ? Pour protéger qui ?

Redéfinir les relations d’État à État

Paris doit apporter des réponses claires, au-delà d’un discours moralisateur sur la défense de la démocratie, lui-même pétri de contradictions. On veut consolider l’État de droit tout en défendant parfois des régimes controversés, comme au Tchad.

« La France se montre plus pragmatique dans la région anglophone, où elle assume ses intérêts économiques et stratégiques. C’est ce qu’il faudrait envisager dans les pays francophones », souligne encore le directeur régional Afrique de l’Est de l’ISS.

À la lumière de ce auquel on assiste entre les États africains et la France, il sied de redéfinir les relations d’État à État. La France doit sortir d’un mode hystérique et émotionnel et redéfinir de manière froide ses relations avec les pays francophones en Afrique, à l’aune de cette froide réalité pour maximiser ses intérêts tout en aidant ses anciennes colonies à sortir de la grande pauvreté.

En rappel, la permanence de la présence de l’opération « Barkhane » a en revanche mis à l’épreuve la solidité et la cohérence de la politique française. Après presque dix années, cette opération n’a pas abouti aux résultats escomptés, àsavoir renforcer la sécurité du Sahel et de ses États clés par la lutte militaire contre les groupes armés. Au contraire, elle a débouché sur le retrait militaire français de plusieurs pays importants de son espace historique d’influence : Mali, Burkina Faso et au Niger.

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