C’était en effet la première rencontre entre les deux frères ennemis depuis leur duel à l’élection présidentielle de 2010, qui avait débouché sur une majeure crise politique meurtrière. Le président ivoirien recevait ce 27 juillet son ennemi de toujours, dix ans après la crise post-électorale. Mais derrière l’accolade et les sourires, qui ont agréablement surpris les observateurs, les motivations et la sincérité de ces retrouvailles ne cessent d’interroger.

Laurent Gbagbo a regagné Abidjan le 17 juin dernier, après avoir été blanchi de crimes faute de « preuves suffisantes ». Il avait été libéré le 31 mars 2021 par la Cour pénale internationale après 10 ans derrière les barreaux à La Haye et loin de la politique ivoirienne.

À l’issue de la rencontre, Alassane Ouattara a tweeté: « Rencontre cordiale et fraternelle avec mon jeune frère Laurent Gbagbo. Nous travaillerons à renforcer la confiance, dans l’intérêt de notre pays ».
Dans un show savamment huilé, devant les caméras, on a distinctement entendu Ouattara, qui accueillait Gbagbo, souhaiter la bienvenue à son hôte en ces termes: « Comment tu vas, Laurent ? Content de te voir ». Puis les deux personnalités ont pénétré dans le palais présidentiel la main dans la main, comme des vieux copains.

Fraternité et détente désormais

À l’issue d’un entretien de  trente minutes, les anciens ennemis sont ressortis du palais tout sourire. Pour les observateurs, le différend opposant les deux frères ennemis semblait avoir été subitement aplani.

Devant la presse, le président Ouattara a assuré que la rencontre a été « fraternelle » et « détendue », ajoutant que « malgré les divergences du passé, ce qui importe c’est la Côte d’Ivoire, c’est la paix pour notre pays ».

Le président Ouattara a par ailleurs promis que cette rencontre n’est pas la dernière. « Nous nous sommes convenus de nous retrouver de temps en temps. C’est important de rétablir la confiance et que les Ivoiriens se réconcilient et se fassent confiance également ».

Pour sa part, Laurent Gbagbo a révélé qu’il a profité de l’opportunité pour plaider en vue de la libération des nombreuses personnes emprisonnées à la suite des affrontements post-électoraux de 2010.

De bonne augure pour l’avenir de la Côte d’Ivoire ?

La rencontre du 27 juillet entre Ouattara et Gbagbo semble venir ainsi mettre fin à l’animosité entre deux camps ennemis qui se sont affrontés à l’arme lourde, sur fond d' »ivoirité » et de conservation du pouvoir.

En effet, la Côte d’Ivoire n’a pas fini de panser ses meurtrissures après des années de guerre fratricide qui avait autant consacré la partition du pays, en 2002, qu’occasionné des milliers de morts parmi la population civile.

Après la réconciliation solennellement organisée par Laurent Gbagbo, alors président de Côte d’Ivoire, le 30 juillet 2007 à Bouaké, ex-capitale de la rébellion du futur Premier ministre Guillaume Soro, le pays était de nouveau retombée dans ses travers. La contestation des résultats de la présidentielle de 2010 avait déclenché une guerre civile tout aussi meurtrière consécutive à la crise post-électorale.

Difficile de tout effacer d’un revers de la main

Malgré la symbolique de réconciliation que renvoient les images de cordialité et de fraternité de la rencontre entre les deux ennemis d’hier, il est tout de même difficile de tout formater. « Nous estimons que la réconciliation ne peut pas se résumer à la rencontre de deux citoyens. Il faut la vérité, la justice », a estimé le même jour Issiaka Diaby, président du Collectif des victimes de Côte d’Ivoire. Un volet que Ouattara a curieusement zappé tout au long de sa présidence.


Après cette rencontre inédite, le président ivoirien va-t-il tenter la même opération de charme en direction de l’autre ancien président, à savoir Henri Konan Bédié, également en rupture avec Abidjan, mais qui, lui, a déjà pris langue avec Laurent Gbagbo, mi-juillet ? Est-ce que la rencontre « joviale » Ouattara-Gbagbo aura-t-elle suffi à exorciser définitivement la Côte d’Ivoire de ses vieux démons ? L’avenir, sûrement proche, nous le dira bien.

Jean-Cornelis Nlandu

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