C’est cette baisse des ressources disponibles qui, de l’avis des créditeurs des pays africains, rend la situation urgente. Ce n’est, en effet, pas tant le niveau de la dette qui leur fait peur. En valeur absolue, l’Afrique apparaît comme un « Petit Poucet » de la dette. Cumulée pour tous les pays du continent, elle atteint 1 400 milliards de dollars, soit seulement un peu plus de deux fois la dette publique du seul Mexique. Le taux d’endettement public de l’Afrique subsaharienne, qui atteint 60 % du PIB de cette région, est même inférieur à celui de la zone euro (87 %).
Mais c’est « la charge de la dette, c’est-à-dire le remboursement des intérêts, qui peut paraître difficilement soutenable », souligne Patrick Mangusi , économiste et spécialiste de la dette africaine à l’université Cardinal Malula. Les économies africaines ne peuvent pas se permettre, à l’instar des pays européens par exemple, de laisser filer leur dette pour financer des généreux plans de soutien à l’économie.
« Lorsque l’Allemagne ou la France empruntent sur les marchés, cela ne leur coûte rien car les taux d’intérêt sont très faibles, alors que la prime de risque pour les États africains est beaucoup plus élevée », précise Patrick Mangusi.
Ces primes imposées par les prêteurs sont même parfois plus élevées que pour d’autres pays en voie de développement en Asie ou Amérique du Sud. « Il y a une stigmatisation des nations africaines qui les handicape sur les marchés financiers et qui, en plus, n’est pas forcément légitime compte tenu de leurs performances macroéconomiques », note le maître de conférences de l’université Cardinal Malula.
Du coup, les pays africains se retrouvent pris à la gorge économiquement bien plus vite qu’ailleurs dans le monde. « Trois d’entre eux – la Zambie, l’Éthiopie et le Tchad ont déjà demandé une restructuration de leur dette et d’autres risquent de suivre », confirme Patrick Mangusi.
Ce qui n’a pas manqué de faire ressurgir le spectre du début des années 2000, lorsque les grands bailleurs de fonds internationaux avaient dû se résoudre à annuler une importante partie des dettes africaines. Mais l’histoire ne bégaie pas, avertissent les experts interrogés par Onésha Afrika, qui mettent en garde contre la tentation d’un nouveau grand coup d’éponge sur le tableau noir de la dette africaine.
Le paysage de l’endettement s’est transformé en vingt ans et « il faut prendre en compte l’hétérogénéité des situations » Ajoute –t-il.
À l’aube du nouveau siècle, la plupart des pays africains dépendaient de l’aide au développement fournie par les grandes institutions sous forme de prêts à des taux très bas. Mais depuis, des créanciers du secteur privé ont fait leur apparition, et leur montée en puissance complique fortement la situation. Ces fonds de pension, banques ou fonds d’investissement ont commencé à prêter aux pays africains à l’époque de la crise financière de 2008. Ces États disposaient de liquidités grâce à l’effacement de leur dette, et les investisseurs cherchaient de nouveaux horizons car les pays dits riches venaient de sombrer dans le marasme financier.
« Une partie des pays africains – comme le Ghana, le Sénégal, la Côte d’Ivoire ou le Bénin – a ainsi décidé de jouer dans la cour des grands en se tournant vers les marchés financiers traditionnels », souligne PATRICK MANGUSI. C’était une manière pour eux de s’émanciper de la tutelle des grands organismes publics « dont les prêts sont souvent conditionnés à des exigences de réformes structurelles qui peuvent être perçues comme des formes d’ingérence », note-t-il.
En parallèle, la Chine a aussi commencé à prêter à tour de bras en Afrique à partir des années 2010 pour devenir le créancier principal de certains pays comme Djibouti, l’Angola ou l’Éthiopie.
La plus part des grands bailleurs publics a ainsi baissé au fil des ans au profit de la superpuissance asiatique – qui détient près de 25 % de la dette des pays africains – et des créanciers privés, qui disposent « en moyenne en 2019 d’environ 20 % de cette dette », précise Patrick Mangusi.
Et c’est là que le bât blesse, car pour qu’une opération d’annulation ou de restructuration des dettes fonctionne, il faut que tout le monde y participe. En novembre 2020, les institutions internationales ont ainsi proposé un cadre global pour un tel plan en invitant les créanciers privés… qui ont refusé d’y participer.
Pas étonnant. Si le FMI ou la Banque mondiale offrent des facilités de paiement aux pays africains ou des moratoires sur le remboursement des intérêts, c’est autant d’argent qui se libère pour rembourser les acteurs du secteur privé. En d’autres termes, « les créanciers privés se font ainsi subventionner indirectement par les créanciers publics », résume le conférencier.
Sans compter que, contrairement au début des années 2000, chaque pays a pris une trajectoire d’endettement différente, dépendant plus ou moins de la Chine, des bailleurs internationaux, des créanciers privés internationaux ou même domestiques (comme en Égypte ou en Afrique du Sud, par exemple). « C’est un vrai puzzle », conclut Patrick Mangusi. Et en attendant de remettre toutes les pièces en place, le poids du remboursement des intérêts de la dette continue à handicaper les pays africains pour dégager les fonds suffisants afin de limiter les effets de la crise sanitaire.
LE FMI a accepté de financer le programme économique du Président de la République Démocratique du Congo, Félix Antoine Tshisekedi, pour le reste de son mandat.
Après plus d’un an et demi de négociations entre le Fonds Monétaire International (FMI) et le Gouvernement congolais, le Conseil d’Administration du FMl a validé le financement du plan de relance économique de la République Démocratique du Congo estimé à 1,5 milliards de dollars américains. En effet, le Conseil d’Administration du FMI a accepté de financer le programme économique du Président de la République Démocratique du Congo, Félix Antoine Tshisekedi, pour le reste de son mandat.
Les services du FMI qui étaient en pourparlers avec le Gouvernement de la RDC au mois de mai 2021 avaient déjà annoncé avoir trouvé, avec la partie congolaise, un «accord» sur «un plan de financement de 1,5 milliards USD sur trois ans».
Cet appui financier du FMI vise en réalité à appuyer le Programme du Gouvernement congolais à moyen terme axé sur le soutien à la reprise post Covid-19 et la relance du programme des réformes. Ce montant de 1,5 milliards de dollars américains pour un État qui cherche à accroître ces recettes est conséquent, mais il faut encore que ces ressources soient utilisées pour les bonnes causes. Les démarches entreprises par le Gouvernement congolais entre dans le souci d’augmenter et de soutenir une croissance inclusive et de réduire la pauvreté, conformément aux priorités du Gouvernement énoncées dans le Plan national de développement stratégique 2019-2023.
L’impact de la Covid-19 sur les finances publiques de la République Démocratique du Congo en 2020 n’est pas à démontrer malgré l’expansion du secteur minier avec notamment la hausse des cours du cobalt et du cuivre. La validation de ce programme triennal par la Direction et le Conseil d’Administration du FMI donne accès à d’autres financements provenant d’autres bailleurs bilatéraux et multilatéraux, renseignent des sources concordantes.
Philippe Katumba