Si la société de l’information se développe rapidement, l’accès au cybermonde est très inégal selon sa localisation géographique et l’Afrique demeure dans une large mesure, le parent pauvre de la mondialisation numérique. Notre société change et notre quotidien est en train d’évoluer. L’Afrique peut tirer parti du numérique pour s’affranchir des vieux modèles industriels et accélérer sa croissance économique. En cette période de crise, le numérique s’est révélé un outil essentiel pour mettre en place des solutions résilientes et inclusives
Il ressort d’ailleurs du Plan National du Numérique lancé en septembre 2019 en RDC par le Cabinet du Chef de l’Etat, que la création d’un nouveau cadre juridique est un préalable à la mise en œuvre de ce plan national censé réduire la fracture numérique.
Les inégalités dans la préparation au numérique entravent la capacité d’une grande partie du monde à tirer parti des technologies qui nous aident à faire face à la pandémie du coronavirus en restant chez nous a déclaré Soleil Kiangudi juriste d’affaire, dans une interview exclusive accordée au Magazine Oniesha.
Tous les pays africains n’en sont pas au même stade en matière de transformation numérique. Les pays les plus en avance sont l’Afrique du Sud, le Nigéria, le Kenya et le Ghana, loin devant les pays francophones comme le Sénégal ou la Côte d’Ivoire.
Dans tous ces pays, les innovations numériques servent des besoins très concrets et adaptés aux réalités locales.
Il s’agit par exemple de développer des solutions de livraison des biens commandés en ligne par des personnes sans adresse postale, ou encore de réaliser des transactions financières sans compte en banque ni carte de crédit. À ce titre, la téléphonie mobile a transformé le continent.
En Afrique, nous ne sommes pas mobile first, nous sommes « mobile only ». Beaucoup de services digitaux ne sont conçus que pour le téléphone portable, à l’instar du mobile money ou du social e-commerce sur des plateformes de messagerie comme WhatsApp. En République Démocratique du Congo (RDC) par exemple, l’argent mobile joue un rôle de plus en plus important dans le domaine de l’inclusion financière, et apparait comme un levier permettant de stimuler l’inclusion aussi bien économique que sociale.
Sur les dix dernières années, le taux d’abonnement aux systèmes d’argent mobile en RDC a augmenté au rythme de 20 % par an, mais l’utilisation active de l’argent mobile reste faible.
Comme évoqué précédemment, la R.D.C possède dans son arsenal juridique des dispositions permettant de répondre à minima aux impératifs de protection de la vie privée face aux risques induits par les N.T.I.C.
Cependant, force est de constater que le développement de l’informatique en R.D.C n’a principalement suscité des inquiétudes que dans le domaine des relations des individus, des entreprises et de l’État, de la puissance publique. On a redouté, sans doute à juste titre, les abus d’un pouvoir étatique qui disposerait d’informations complètes, ordonnées et facilement accessibles sur tous les citoyens.
En principe, les droits de la personnalité n’ont pas un caractère absolu. Il appartient notamment aux juges d’apprécier, au cas par cas, la balance entre les intérêts en présence, en recherchant si l’atteinte à la vie privée alléguée n’est pas justifiée par les nécessités de l’information ou par la liberté de recherche de l’historien par exemple. En effet, en droit commun, la protection de la personnalité passe surtout par la sanction des atteintes une fois qu’elles se sont produites.
À l’instar de l’Europe, la sphère numérique indienne est dominée par des acteurs extérieurs : les plateformes, applications et logiciels américains. Cette sphère est également partagée avec des acteurs chinois qui occupent déjà le devant de la scène des smartphones et tendent à devenir très actifs dans les médias sociaux et les jeux.
La question de la reconquête de l’économie numérique par les entreprises indiennes face à des puissantes entreprises étrangères se pose de manière plus pressante encore en Inde qu’en Europe.
D’une certaine manière, l’Inde est un pont entre les cas européen et chinois. Elle calque sa législation sur le RGPD tout en l’utilisant comme un instrument de sa politique industrielle. Forte de son expertise naissante et de sa présence dans ce domaine, elle veut jouer un rôle important pour briser l’hégémonie sino-américaine dans la sphère numérique.
La Chine se présente plutôt comme une dystopie du monde numérique.
Elle a un modèle de technologies de surveillance et de sujétion des médias sociaux. Le quasi-intranet chinois, considérablement renforcé par les récentes règles régissant le transfert international de données, est une source d’inspiration pour certains, notamment pour les Russes.
Le fait que les Chinois soient comparativement moins sensibilisés à la problématique du respect de la vie privée, et que le gouvernement chinois donne la priorité aux objectifs de l’État plutôt qu’à toute autre considération, rend le cas chinois unique.
Les cas de la Chine et de l’Inde illustrent les tensions existantes entre respect de la vie privée, intérêts commerciaux et contrôle de l’État par des solutions très différentes.
L’Afrique n’est pas en reste dans ce domaine.
Selon le docteur Mouhamadou Lo, juriste et président fondateur de la Commission de protection des données personnelles du Sénégal, 25 pays du continent sur 54 sont dotés d’une loi en la matière : 8 anglophones, 14 francophones, et 3 portugais. L’avantage numérique des francophones s’explique notamment par l’existence du réseau africain de protection des données personnelles, mais aussi de l’Association francophone des autorités de protection des données au sein de l’OIF (Organisation Internationale de la Francophonie) et au niveau international avec la Conférence internationale sur la protection des données personnelles.
Après un long processus de sept ans, le 8 novembre 2019, le Kenya a obtenu une loi sur la protection des données.
La loi kényane fournit un cadre complet pour réglementer le traitement des données personnelles et la protection de la vie privée des individus. Il consolide la loi sur la vie privée dans le pays et énonce plusieurs principes de protection des données personnelles, en tant que norme minimale à laquelle tous les responsables du traitement ou le traitement des données doivent se conformer.
Douze années après avoir été l’un des premiers pays africains à promulguer la législation sur la protection des données personnelles, en 2019, le Sénégal a proposé un projet de loi pour remplacer la Loi sur la Protection des Données à Caractère Personnel de 2008.
Ce projet de loi aborde des nouveaux sujets essentiels, y compris la biométrie, les méga données, l’intelligence artificielle, la géolocalisation et l’informatique en nuage.
Enfin, le Congo Brazzaville a adopté en 2019 des lois sur la création de l’ANSSI (Agence Nationale de Sécurité des Systèmes d’Information) et sur la Protection des Données Personnelles.
Selon le Ministre de l’Economie Numérique, Monsieur IBOMBO, la loi relative à la protection des données à caractère personnel a pour objectif « de créer les conditions d’un envir o n n e m e n t juridique et institutionnel offrant une p r o t e c t i o n efficace des libertés et droits fondamentaux des p e r s o n n e s physiques, notamment de leur vie privée, à l’égard du t r a i t e m e n t des données à caractère personnel».
De manière globale, aujourd’hui c’est la question des traitements des données de santé liées à la covid-19 dans les relations de travail qui prédomine à l’échelle mondiale.
Il est grand temps que la R.D.C enclenche le processus de règlementation en la matière, non seulement dans le cadre de la lutte contre la pandémie mondiale mais surtout pour sa survie dans la Nouvelle économie, a conclu Me SOLEIL KIANGUDI, juriste d’affaires.
Philippe Katumba