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Côte dIvoire : Chronique d’une victoire annoncée

Qui pourrait succéder à Alassane Ouattara ? (image d’illustration/Source : ouestin.com)

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Depuis l’élection de Alassane Ouattara en novembre 2010 et sa prise de pouvoir en avril 2011 avec l’appui des forces françaises et les Forces rebelles(FCRI) renversant le Président Laurent Gbagbo, le clan Ouattara s’est emparé de la Côte d’Ivoire en en faisant son fief personnel. Le Président espère obtenir un 4ème mandat lors des élections de ce 25 octobre 2025.

La Côte d’Ivoire sous Houphouët Boigny était un des joyaux de la France-Afrique au même titre que le Gabon d’Omar Bongo. À la mort d’Houphouët-Boigny en décembre 1993, le pays sombre dans une ère de déstabilisation qui durera 18 ans. Si dans un premier temps, Henri Konan-Bédié, en tant que président de l’Assemblée nationale devient Président intérimaire, pour être finalement élu le 22 octobre 1995 avec 96,44 % des voix, son règne sera de courte durée. En effet, en décembre 1999, le général Guéï renverse Bédié et organise des élections en 2000.
L’ancien Président Bédié et l’ancien Premier ministre Alassane Ouattara sont alors interdits de candidature. Le général Guéï battu par l’opposant historique Laurent Gbagbo, patron du FPI (Front populaire ivoirien) refuse d’admettre sa défaite. Finalement, c’est la rue qui impose la victoire de ce dernier.
Déjà plongé dans un rare marasme politique, le 19 septembre 2002 le pays échappe à une tentative de coup d’État. Bien qu’elle échoue, une rébellion dénommée les « Forces nouvelles » se constitue dans le nord du pays et s’empare de 60% du territoire. La France décide de s’interposer en application des accords de défense et stabilise la situation. L’ensemble des forces politiques ivoiriennes, y compris les rebelles, sont conviées en France pour des négociations qui aboutissent aux accords de Linas-Marcoussis en 2003.
Si le président Gbagbo fait mine de les appliquer, il souffle sur les braises de la dissension en lançant sa milice des jeunes patriotes dirigée par Charles Blé Goudé à l’assaut de l’opposition et de certains intérêts français. La situation ne cessant de se détériorer, négociations et accords de paix se succèdent, sans aboutir à du concret sur le terrain.
Le drame du bombardement de Bouaké par les forces gouvernementales suite à une offensive contre les rebelles et la mort de 9 soldats français, couplée aux manifestations des Jeunes patriotes devant l’Hôtel Ivoire qui subissent les tirs des troupes françaises, provoquant 60 morts et plus de 1 000 blessés, font que la Côte d’Ivoire sombre. Le pays demeure coupé en deux.

Genèse d’une prise de pouvoir

Présidentielle ivoirienne: manifestation de l’opposition contre l’exclusion de candidats (Image d’illustration/news.abidjan.net)

L’élection présidentielle est maintes fois reportée. Elle a finalement lieu le 31 octobre 2010 suivie d’un second tour le 28 novembre. Chaque camp revendique la victoire. La Commission électorale indépendante proclame la victoire d’Alassane Ouattara avec 54,1 % des voix contre 45,9 % pour Laurent Gbagbo. Quant au Conseil constitutionnel, il juge les résultats de la CEI non valables et proclame la victoire du président sortant avec un score de 51,45 %.
Durant cinq mois, les deux camps s’affrontent à distance. D’un côté, le Président Gbagbo réfugié au Palais présidentiel sous la protection des troupes d’élites de la gendarmerie, de l’autre Ouattara réfugié à l’Hôtel du Golfe, soutenu par l’Union européenne et le président Sarkozy, les troupes françaises attendant le signal pour prendre Abidjan.
Au même moment, les preuves confirmant les fraudes dans les zones pro-Ouattara, avec 105 parfois 115% de votants et des rumeurs de financement de l’armement des rebelles par l’Iran, font que le camp Ouattara décide de passer à la vitesse supérieure. Les rebelles rentrent dans Abidjan où ils subissent deux défaites face aux forces du Président Gbagbo. Le Président Sarkozy, sous couvert de l’ONU, lance alors les troupes françaises à l’assaut du Palais présidentiel. Gbagbo est arrêté et Ouattara installé. Si la Communauté internationale lui apporte son plein soutien, nombre d’Ivoiriens le considèrent comme un agent de l’étranger.

Une « dictature soft »

Alassane Ouattara qui s’était présenté comme un démocrate éclairé, à l’instar de son mentor Houphouët-Boigny, impose directement un système autocratique dans lequel les opposants sont soit condamnés soit interdits d’exercer toute fonction publique ou politique. Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé sont à la Cour pénale internationale, l’armée purgée et remaniée, les fidèles détiennent les leviers du pouvoir, ce qui politiquement se conçoit mais est aux antipodes des promesses électorales.
En 2015, Ouattara est réélu avec plus de 80% des voix. La participation dépasse à peine 53%. Dans la foulée, il met en place une nouvelle Constitution renforçant ses pouvoirs, en créant un Sénat et un poste de vice-président, préparant ainsi sa succession. Mais il multiplie les gestes pour ses opposants en accordant des amnisties pour des raisons purement électorales, sans parvenir à pacifier le paysage politique.
C’est ainsi que le scrutin présidentiel d’octobre 2020 se déroule dans des conditions tendues. Le décès inopiné de son dauphin Amadou Gon Coulibaly le force à se présenter une troisième fois. L’opposition crie à l’illégalité. L’éloignement des deux figures politiques de l’opposition, Laurent Gbagbo et Guillaume Soro, bloquées en Europe ainsi que l’appel à la désobéissance civile de Henri Konan Bédié font que le score final du président Ouattara, même de 94,2%, ne représente rien vu le faible taux de participation.

L’ élection de tous les dangers

Élection Ivoirienne : Duel Intense Contre Ouattara (Source : viralmag.fr)

Le 25 octobre 2025, un peu plus de 8,7 millions d’électeurs élisent le prochain président de la Côte d’Ivoire. Après avoir éliminé ses deux principaux challengers, l’ancien patron du Crédit Suisse Tidjane Thiam et l’ancien Président Laurent Gbagbo, Alassane Ouattara brigue à 83 ans un quatrième mandat. Face à lui, des candidats qui n’ont pas l’ombre d’une chance : Ahoua Don Mello, ingénieur et homme politique qui se veut proche des BRICS, puis Ehivet Simone Epse Gbagbo, l’ancienne épouse de Laurent Gbagbo à la tête du MGC (Mouvement des Générations capables). Elle est sans doute la candidate détenant le plus d’expérience politique et qui prône une réelle souveraineté politique pour la Côte d’Ivoire, à l’instar des pays de l’AES. Sans oublier Henriette Lagou. plusieurs fois ministre et qui représente le Groupement des Partenaires politiques pour la Paix. En dernier lieu, Jean Louis Billon, ancien ministre et ancien membre du PDCI à la tête du Congrès démocratique.
Il ne fait aucun doute que le président sortant est le prochain. Mais ce sont les défis auxquels fait face la Côte d’Ivoire qui sont les réels enjeux du scrutin. D’abord économiquement. Si la Côte d’Ivoire affiche l’une des croissances les plus fortes d’Afrique de l’Ouest, les inégalités régionales et sociales persistent. Plus de 70% de la population a moins de 35 ans, le chômage et le sous-emploi font de l’accès au travail un enjeu majeur du scrutin.
Dans cette perspective, deux autres sujets détermineront le capacité du futur président de traduire la croissance en un réel bien-être pour toute la population : la diversification économique en permettant à la Côte d’Ivoire de graduellement s’affranchir de sa dépendance permanente au cacao et la gestion d’une dette énorme ayant soutenu les grands travaux du régime.
Ensuite géopolitiquement, face aux dangers de l’islamisme intégriste qui ravage le Sahel L’offensive généralisée des différentes Katibas du Jama’at Nasr al islam wal muslimin cible le Bénin et le Ghana mais principalement la Côte d’Ivoire. La plupart des attaques proviennent du Nord du Burkina Faso du côté de Tchogolo. Cependant, les groupes islamistes ont réussi à établir un sanctuaire dans le parc de la Comoé.
De même graduellement, les attaques tendent à se répandre dans d’autres régions du pays. La relance de l’économie, la gestion de la dette et la sécurité régionale sont les grands travaux qui attendent le futur président, qui sera sans aucun doute Alassane Ouattara. Il devra, pour sortir la Côte d’Ivoire de l’ornière, être le président de tous les Ivoiriens et pas seulement celui d’un clan comme il l’a été depuis 14 ans

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