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Violences dans l’est du Congo: Le président Tshisekedi décide de prendre le taureau par les cornes

Le président Félix Tshisekedi vient de déclarer l'état de siège dans deux provinces de la partie est de la République démocratique du Congo, à savoir l'Ituri et le Nord-Kivu.

En effet, c’est depuis 25 ans, soit 1996, que les populations du Grand Kivu sont victimes de violences innommables, dont les images sont devenues virales, certaines d’une animalité insoutenable qu’on se retient de les publier de peur de choquer.

C’est dans cette vision d’apocalypse que le chef de l’État congolais vient de décréter « l’état de siège sur toute l’étendue des provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu ».

Dans son discours à la Nation, le 3 mai, Félix Tshisekedi déclare solennellement: « Je réaffirme en ce jour, en ma qualité de chef de l’État garant de la Nation et commandant suprême des Forces armées, ma décision d’aborder de la manière la plus efficace qui soit ce problème de terrorisme, de violence, bref d’insécurité à l’est du pays ».

Le curseur était immédiatement placé sur la terre ferme pour en découdre.

Je m’engage dans cette lutte avec la détermination de trouver une solution définitive à l’inacceptable situation de l’est

Prévient le président congolais qui assure: « Attentif et sensible à ce que réclame mon peuple, j’entends le cri de détresse de notre population en général et je ressens en particulier les douleurs qu’éprouvent nos mères, nos soeurs et nos filles dans ces provinces ravagées par la barbarie ».

Des mots savamment triés qui épousent la gravité de la situation. Surtout que les semaines qui avaient précédé, plusieurs manifestans avaient battu les pavés dans la partie est du Congo, où le clou de la protestation avait été la prise d’assaut de la mairie de Béni, mi-avril, par des écoliers, rejoints le lendemain par leurs mamans.

Alors que Kinshasa et certaines autres provinces leur avaient également emboîté le pas pour exiger une solution rapide et définitive en vue du retour de la paix.

Le chef de l’État congolais, qui reconnaît que « cette paix est la condition sine qua non de notre bonheur et du développement de notre pays », a appelé la classe politique à la retenue et la population à coopérer étroitement avec les autorités pendant la période de l’état de siège, « en dénonçant les ennemis du peuple et toute complicité à quelque niveau que ce soit ».

Au moins 122 mouvements rebelles à l’est

Si le président Tshisekedi déplore que la partie est soit devenue « le point d’éclosion de mouvements rebelles et des groupes armés ainsi que de point d’entrée des forces négatives étrangères qui sèment la désolation et écornent l’image du Congo », d’autres sources, dont le baromètre sécuritaire du Kivu, dénombrent plus de 122 de ces forces négatives.

Parmi ces forces, les sources citent les ADF (Allied democratic forces), d’obédience islamiste et qui auraient fait allégeance à l’État islamique dont elles reçoivent instructions, munitions et financement.

Proches du Soudan, les ADF sont dans le viseur des États-Unis en tant que groupe terroriste. Elles sont par ailleurs comptables du massacre de plus de 1000 civils dans l’est de la RDC depuis 2019.

L’état de siège: Ce qu’il faut savoir

L’état de siège est un dispositif juridique généralement mis en œuvre par le gouvernement en cas de péril imminent pour la nation (insurrection armée ou invasion étrangère).

Il comprend plusieurs dispositions:

– L’armée remplace généralement la police pour la sécurité publique ;
– Certaines libertés de l’État de droit (circulation, manifestation, expression) sont fortement restreintes
– Les médias sont contrôlés ;
– Un couvre-feu entre en vigueur sur le territoire concerné par l’état de siège ;
– La mobilisation nationale peut être décidée ;
– Les tribunaux civils sont remplacés par des tribunaux militaires ;
– La surveillance de la population est accrue.

En ce qui concerne l’Ituri et le Nord-Kivu, le porte-parole de la présidence, Kasongo Mwema, a dévoilé les ordonnances réglementant la période de siège, d’une durée de 30 jours renouvelables à compter du 6 mai.

De même les deux provinces passent sous administration militaire, avec des gouverneurs militaires qui ont été nommés, à savoir les lieutenants généraux Constant Ndima Kongba, chef d’état-major adjoint en charge de l’Administration et Logistique, pour le Nord-Kivu et Johnny Luboya Nkashama, commandant de la 1ère zone de défense, pour l’Ituri. Ils sont secondés par des officiers de la police Ekuka Lupopo pour le Nord-Kivu et Benjamin Alonga Boni pour l’Ituri.

La MONUSCO se montre coopérative

La MONUSCO a réagi à l’annonce de l’état de siège, en déclarant vouloir « étudier les ordonnances en vue de faire part aux autorités congolaises, de manière constructive, de ses observations »

Son porte-parole, Mathias Gillman, précise que la représentante spéciale Bintou Keita a rencontré le président Tshisekedi afin de s’accorder du soutien de la Force onusienne et débattre de la nécessité de protéger les droits fondamentaux des populations.

Une proposition lumineuse du ministre Mutinga en faveur des populations sous état de siège Le gouvernement congolais a approuvé, le vendredi 7 mai, une requête introduite par le ministre des Affaires sociales, Actions humanitaires et Solidarité nationale, M. Modeste Mutinga Mutuishayi, visant à accompagner les populations de l’Ituri et du Nord-Kivu avec une riposte humanitaire.

La proposition du ministre Mutinga venait à point nommé, lorsque l’on sait que ces populations sont déjà largement diminuées par des violences récurrentes depuis 1996, soit plus de 25 ans.

Aussi, devoir supporter l’état de siège pendant un mois au minimum dans des conditions de vie déjà précaires nécessitait une solidarité nationale conséquente.

Cest donc sans surprise que le gouvernement, qui avait inscrit ce seul point à son ordre du jour, a apprécié le réalisme et la pertinence de la requête en vue de la consolidation effective de la solidarité nationale.

Le conseil des ministres, qui l’a approuvée à l’unanimité, a mis sur pied une commission ad hoc chargée de la mise en œuvre de cette riposte humanitaire d’urgence.

3 931 803 déplacés internes en Ituri et au Nord-Kivu

Dans son plaidoyer, le ministre des Affaires sociales, Actions humanitaires et Solidarité nationale a estimé que la barbarie des hors-laloi incrustés dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri a affecté le cadre de vie de la population civile, obligeant ainsi des milliers de ménages de quitter leurs villages, voire le pays, à la recherche de zones sécurisées et cela d’une manière constante.

Pour Modeste Mutinga, la photographie de la situation humanitaire à ce jour renseigne qu’il y a près de 1.654.212 déplacés internes dans la province de l’Ituri, tandis qu’au Nord-Kivu la situation est encore plus dramatique avec près de 2.277.590 personnes déplacées internes.

Aussi, faute d’agir d’urgence et avec dextérité dans ces deux provinces frappées par l’état d’urgence, les populations et communautés déjà fragilisées risquent de douter de la solidarité aussi bien du gouvernement central que des autres provinces.

Il a démontré que des expériences antérieures dans la gestion des crises humanitaires et autres situations d’urgence en RDC, au cours de cette dernière décennie, ont fait apparaître que la principale difficulté dans la manifestation de la solidarité nationale résidait dans la lenteur d’une riposte humanitaire appropriée.

Aussi, la commission devra identifier en urgence les risques et/ ou conséquences et apporter des solutions en rapport avec les risques de rupture de solidarité communautaire, le risque de la désinformation de la population et le risque social, politique et sécuritaire.

Le ministre des Affaires sociales, Actions humanitaires et Solidarité nationale a par ailleurs informé le conseil des ministres de la situation qui prévaut dans la province de la Tshuapa consécutive aux violences enregistrées dernièrement entre les Bantous et les Pygmées.

Pour mettre fin à ce drame, il a sollicité l’intervention du gouvernement pour apporter des moyens de subsistance à ces populations et rapprocher les deux communautés.

Jean Cornelis Nlandu

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