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Afrique du Sud : Perte de la majorité pour l’ANC : La nouvelle donne

Le président de l’ANC, Cyril Ramaphosa. (Photo : Gallo Images)

Le 2 juin 2024, l’Afrique du Sud est rentrée dans une nouvelle page de son histoire, avec les résultats des élections législatives qui, après 30 ans, enlève à l’ANC la majorité à l’Assemblée nationale, la contraignant à la formation d’un gouvernement inédit.
Lecture croisée de cette nouvelle donne politique au pays de Nelson Mandela.

L’ANC, au pouvoir en Afrique du Sud depuis 30 ans, a perdu sa majorité absolue au Parlement pour la première fois de son histoire. Elle recueille 159 sièges sur 400 selon les résultats officiels annoncés le dimanche 02 juin 2024 par la commission électorale.
L’Alliance démocratique (DA), premier parti d’opposition, a obtenu 87 députés, contre 49 parlementaires pour le nouveau parti populiste mené par l’ex-président Jacob Zuma, qui devient la troisième force politique du pays.
Le président Cyril Ramaphosa était présent à la proclamation des résultats mais Jacob Zuma a boycotté la cérémonie. « Notre présence équivaudrait à l’approbation d’une déclaration illégale » des résultats des législatives du 29 mai, a déclaré Nhlamulo Ndhlela, porte-parole du MK, qui dénonce des irrégularités dans le décompte des suffrages.
Le président Ramaphosa a salué cette « victoire pour la démocratie » avec ces élections législatives qu’il a qualifiées de « libres, équitables, crédibles et pacifiques ». Nonobstant ce fait, les 58 députés du parti MK de l’ex-président sud-africain Jacob Zuma ont mis fin à leur boycott de la première séance de la nouvelle Assemblée nationale. Ils ont prêté serment le mardi 26 juin 2026, marquant ainsi leur entrée officielle au Parlement.

Un gouvernement de coalition inédit

Le président Cyril Ramaphosa et le vice-président Paul Mashatile (Image : lalibre.be)

L’Afrique du Sud a investi le mercredi 3 juillet un nouveau gouvernement inédit obtenu après d’âpres négociations entre l’ANC et la DA, et composé de plus de trente ministres incluant, pour la première fois en trente ans de démocratie, des représentant issus de partis politiques jusqu’ici dans l’opposition.
Quelque 32 ministres et 43 ministres délégués, dont 32 femmes au total, ont prêté serment lors d’une cérémonie de plusieurs heures tenue au Cap, devant le président de la Cour constitutionnelle et en présence du président Cyril Ramaphosa. Le vice-président sortant Paul Mashatile, reconduit, a également été investi.
Pour la première fois depuis la fin de l’apartheid, le Congrès national africain (ANC) qui a régné seul pendant trente ans, a été contraint à partager le pouvoir après un revers cinglant aux législatives.
Six ministères sont désormais aux mains de l’Alliance démocratique (DA, centre libéral). Décrochant 21,8% des voix au scrutin, le parti encore largement perçu comme un mouvement blanc était jusqu’ici le premier parti d’opposition, très critique vis-à-vis de l’ANC, notamment pour son incapacité à relever l’économie et contenir la corruption.

Le mouvement blanc de plus en plus important

La DA a notamment obtenu l’Environnement, l’Intérieur et les Travaux publics. Son chef, John Steenhuisen, 48 ans, a été nommé ministre de l’Agriculture. Six autres ministères ont été répartis entre cinq petits partis. L’ANC conserve vingt postes dont les Finances, l’Énergie, les Affaires étrangères, la Défense, le Commerce ou encore les Transports.
Cyril Ramaphosa, 71 ans, réélu pour un second mandat de cinq ans et félicité mardi par téléphone par le président américain Joe Biden mais aussi par des chefs d’État africains dont Félix Tshisekedi, a dû jongler entre les demandes émanant de son propre parti et celles de ses nouveaux alliés. Il s’est attiré des critiques pour avoir renoncé à sa promesse de réduire la taille du gouvernement. Le dernier comptait 30 ministres.
Dans l’opposition, les Combattants pour la liberté économique (EFF, gauche radicale) ont notamment dénoncé un « cabinet élargi et gonflé, qui laisse présager une pression accrue sur les contribuables ».
Chaque ministre gagnera plus de 2,5 millions de rands (126.000 euros) par an hors avantages, et plus de 2,2 millions de rands (111.000 euros) pour les vice-ministres, selon le journal officiel. Les avantages comprennent une sécurité d’État élaborée ainsi que des résidences au Cap et à Pretoria.

Les difficultés avant les alliances

Le nouveau gouvernement de coalition sud-africain a été investi (Source : voanews.com)

Après ce séisme politique, l’ANC devait forger des alliances et trouver des alliés parmi les trois têtes de l’opposition, notamment avec la DA, qui rassurerait le monde des affaires notamment, ou sur sa gauche radicale, avec le MK de Zuma ou l’EFF de Julius Malema, deux ex-figures de l’ANC ayant fait sécession.
Le MK avait alors fait savoir qu’il ne discuterait pas avec l’ANC tant que Cyril Ramaphosa resterait à sa tête. « Il y a deux scénarios : l’ANC avec l’Alliance démocratique. Il y a une faction au sein de l’ANC qui est pour une alliance avec ce parti libéral, plus à droite. Ou, deuxième scénario : l’ANC avec l’EFF et MK, mais ces deux partis ne sont pas à l’aise avec Cyril Ramaphosa. Jacob Zuma à la tête de MK est techniquement encore membre de l’ANC, et a d’ailleurs dit que l’ANC sous Ramaphosa n’est pas la vraie ANC, et que lui Zuma a dû former son propre mouvement à des orientations politiques qu’a données Ramaphosa à ce parti », avait analysé le chercheur Harlan Cloete, de l’université de Free State.
« L’autre question est : que va-t-il arriver au président Cyril Ramaphosa ? Parce qu’il y a une faction au sein de l’ANC qui l’accuse d’avoir provoqué la chute du parti au pouvoir. Et aujourd’hui, il n’est plus d’une grande utilité, donc certains disent : peut-être faut-il qu’on le remplace et qu’on trouve quelqu’un d’autre », ajoutait le spécialiste.
La DA et le EFF avaient également envisagé des conditions pour une coalition. Certains partis réfléchissaient au bien-fondé d’une coalition avec l’ANC. C’est le cas de la DA, qui avait annoncé le dimanche 2 juin des « discussions exploratoires » avec d’autres partis, pour « identifier des options » afin d’éviter à tout prix une coalition « du chaos » entre l’ANC et deux partis sur sa gauche radicale.
Plus direct, le parti de gauche radicale des Combattants pour la liberté économique (EFF) de Julius Malema avait exprimé publiquement son envie de travailler avec l’ANC, lors d’une conférence de presse. Cette alliance devenait très probable, selon le politologue Ongama Mtimka de l’université Nelson Mandela Bay. « Je pense que Julius Malema a réalisé un coup de maître en faisant le premier pas, comme une ouverture aux échecs, dans le sens où il ouvre une voie qui prend ses distances avec le parti MK. Il dit aussi qu’il ne se soucie pas de qui serait le président. Ensuite, il a dit à ses électeurs : on n’a pas besoin d’être d’accord sur tout avant la date limite des quatorze jours pour former une coalition », selon le chercheur.

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