Accueil Politique Que cherche la France en Afrique ?

Que cherche la France en Afrique ?

La présence de la France en Afrique, soixante ans après les indépendances, est de plus en plus mise en cause par les opinions publiques. Surtout dans ses anciennes colonies. Une occasion pour Paris de chercher à explorer de nouvelles pistes.

Rien ne va plus entre la France et le Mali. Paris a unilatéralement décidé, début juin, de suspendre les opérations militaires conjointes avec les Forces maliennes. Le ministère français de l’Armée l’a annoncé après le coup d’État perpétré par la junte militaire le 24 mai, « dans l’attente de garanties sur un retour des civils au pouvoir » à l’issue des élections annoncées pour février 2022.

Mais les putschistes maliens, habituellement formés en Russie, ont plutôt trouvé la parade: ils ont intensifié leur rapprochement avec Moscou, faisant craindre une grave erreur de casting dd Paris.

Pour rappel, la France est au Mali depuis 2013 dans le cadre de l’opération Barkhane au Sahel pour traquer les terroristes. Mais il ne s’agit pas d’un cas isolé.

En effet, l’influence française est en pleine dégringolade principalement dans ses anciennes colonies d’Afrique, où le capital sympathie en a pris un sérieux coup.

On l’a encore remarqué lors des émeutes qui ont secoué le Sénégal en mars dernier, consécutivement à l’arrestation d’Ousmane Sonko, principal opposant au pouvoir en place.

Au cours de ces manifestations d’une rare violence, plusieurs intérêts français avaient été pris pour cibles, totalement pillés et souvent incendiés. C’est le cas notamment des stations-service du groupe Total, prises d’assaut, comme les magasins de la chaîne Auchan.

Volonté de redéfinir les relations avec la France

L’impression est naturellement plus prononcée auprès de la jeunesse où le besoin d’autonomie économique est important, notamment cette pressante volonté de redéfinir les relations avec la France, par le remplacement du CFA et la diversification des investissements étranger.

En vingt ans, la France a perdu près de la moitié de ses parts de marché en Afrique par rapport à la concurrence, passant de 12% à 7%.

Entre 2000 et 2017, les exportations françaises vers le continent africain auraient ainsi doublé de 13 à 28 milliards de dollars mais « sur un marché dont la taille a quadruplé d’environ 100 à 400 milliards de dollars d’exportations”, selon un rapport français.

En clair, le gâteau aurait quadruplé de volume mais les Français auraient progressé moins vite que la concurrence, comme le confirme l’Observatoire de la complexité économique qui compile les données du commerce international.

Explorer d’autres pistes à tout prix

Ainsi, avec un volume de 29,4 milliards de dollars de marchandises exportées sur le continent africain en 2019, la France est désormais talonnée par les Etats-Unis, l’Allemagne et même l’Afrique du Sud. On est donc loin de l’image du domaine réservé, le recul Français étant même plus prononcé en Afrique francophone.

Pour Paris, il fallait dorénavant explorer d’autres pistes et trouver de nouveaux débouchés. Par tous les moyens, même s’il faut parfois y sacrifier son honneur.

Ceci explique peut-être pourquoi le président Emmanuel Macron cherche des alternatives en orientant sa stratégie vers les pays anglophones.

Nous avons dit par tous les moyens. On a remarqué que la France ne s’est pas gênée le moins du monde pour confier la direction de la Francophonie à une ressortissante d’un pays du Commonwealth, à savoir l’ancienne ministre rwandaise des Affaires étrangères Louise Mushikiwabo.

Contre toute attente c’est un pays anglophone, où le kinyarwanda est de loin la première langue, qui décroche le secrétariat général de l’OIF, alors que le pays voisin, la République démocratique du Congo, avec sa centaine de millions de francophones, pouvait valablement revendiquer le poste.

Pire, dans sa volonté de forcing, Emmanuel Macron va se dépêcher d’aller s’agenouiller, fin mai, devant le Mémorial du Génocide rwandais et reconnaître, tout aussi curieusement, la responsabilité de la France, à la faveur de l’opération Turquoise.

L’objectif français est de grignoter une part de marché dans ce pays qui fait montre d’un réel dynamisme économique. Et aucun remord pour les millions de morts de l’autre côté, dans l’est du Congo, également victimes de la même Opération Turquoise qui y a exporté une guerre étrangère.

À peine 5% d’exportations françaises vers l’Afrique

Mais il faut signaler que les exportations françaises sur le continent africain ne représentent que 5% de l’ensemble des biens et services exportés par la France chaque année.

Selon l’Agence Ecofin, les intérêts économiques français sont dirigés en priorité vers l’Union européenne (67%), l’Amérique du Nord (17%), l’Asie (8%) et l’Amérique latine (5%). Si l’on considère cette fois les stocks de ces investissements, la France est distancée par la Chine et les Pays-Bas, qui abritent les sièges de plusieurs holdings et groupes internationaux, attirés par une fiscalité avantageuse.

Mauvaise image de la France

La France est « bousculée” en Afrique et ne cesse de perdre des parts de marché depuis le début du XXIe siècle. Mais il y a un facteur irrationnel dans ce dossier qui continue à présenter la France, l’ancienne puissance coloniale, comme « pillant” les richesses du continent. Même si la réalité économique dément cette version.

La deuxième édition d’Africaleads, le « baromètre des leaders d’opinion en Afrique », réalisé auprès de responsables politiques, de religieux, de représentants de la société civile mais aussi d’artistes et d’influenceurs, montre qu’au-delà de la réalité économique, c’est avant tout l’image de la France qui a été endommagée sur le continent.

Alors que parallèlement, la réputation de l’Allemagne se maintient au plus haut, seulement devancée par les Etats-Unis.

Publicité