Nouvelles tensions, nouvelle étape dans les relations tendues entre le Vatican et les conférences épiscopales en Afrique. En décembre dernier, le Vatican autorisait les bénédictions pour les couples dits « irréguliers », notamment les couples homosexuels. Nombre d’évêques du continent, notamment du Cameroun, du Nigeria, ont alors indiqué leur rejet de cette décision.
Début janvier, le Vatican s’est expliqué en publiant un long communiqué de presse. Le jeudi 11 janvier, réponse du berger à la bergère… Ce sont les conférences épiscopales d’Afrique, réunies à Accra, qui ont annoncé leur refus catégorique de pratiquer ces bénédictions.
Titré « Pas de bénédiction aux couples homosexuels dans les Églises d’Afrique », la synthèse des arguments des conférences épiscopales africaines est développée sur quatre pages et signée par leur président, l’influent cardinal Fridolin Ambongo, archevêque de Kinshasa.
S’ils réaffirment leur « communion avec le pape François », les responsables religieux indiquent que « les bénédictions proposées ne pourront pas se faire en Afrique sans s’exposer à des scandales. »
Une pratique en contradiction avec l’image culturelle en Afrique
Dans leurs conclusions, les évêques indiquent : « dans notre contexte, cela causerait une confusion et serait en contradiction avec l’image culturelle des communautés africaines. » Les conférences épiscopales estiment également que le langage utilisé par le Vatican demeure « subtil à comprendre pour les gens simples. »
Pour clore leur déclaration, les évêques africains indiquent que le pape est « farouchement opposé à toute forme de colonisation culturelle ».
Ils rappellent ensuite que « certains pays préfèrent avoir plus de temps pour l’approfondissement de la déclaration qui, en fait, propose la possibilité de ces bénédictions, mais ne les impose pas ». Le communiqué est signé du Cardinal Fridolin Ambongo, président du symposium.
L’opposition à la récente décision du Vatican a été particulièrement forte au Malawi, au Nigéria, en Zambie ainsi qu’en République démocratique du Congo. Sur le continent , l’homosexualité est interdite dans une trentaine de pays – et dans certains pays, tel que le Nigeria, l’Ouganda et la Mauritanie, elle est même sévèrement punie.
Le Vatican se justifie pour les bénédictions de couples homosexuels
Le Vatican essaie d’éteindre la polémique sur la question des bénédictions de couples homosexuels. Un communiqué de presse de cinq pages a été publié le jeudi 4 janvier, pour aider « à clarifier » la réception de la récente déclaration du dicastère pour la doctrine de la foi. Signe du trouble que ce document a provoqué au mois de décembre. « Fiducia Supplicans », le nom de cette déclaration, autorise en effet des bénédictions aux couples dit « irréguliers » par des prêtres, y compris des couples homosexuels.
L’autorisation par le Vatican de la bénédiction des couples homosexuels et des couples dits en « situation irrégulière », comme les personnes non mariées et les divorcés remariés, avait rapidement mis le feu aux poudres, signale Pierre Firtion, du service Afrique de RFI.
Contestation à travers le continent
Du Malawi au Cameroun, en passant par la Zambie, le Zimbabwe, la RDC, le Congo-Brazzaville, le Nigeria ou encore le Togo, la contestation a gagné l’ensemble du continent. À tel point que le 20 décembre, le cardinal Ambongo, archevêque de Kinshasa et président du symposium des conférences épiscopales d’Afrique et de Madagascar, avait lancé un appel aux conférences épiscopales du continent.
Appel pour « rédiger une seule déclaration synodale, valable pour toute l’église d’Afrique ». La démarche a pu surprendre, d’autant que le cardinal Ambongo est réputé proche du pape François.
Mais pour l’archevêque de Kinshasa, « l’ambiguïté de la déclaration du 18 décembre, qui se prête à de nombreuses interprétations et manipulations, suscite beaucoup de perplexité parmi les fidèles ». En clair, certains y ont vu un changement doctrinal. Derrière cette fronde, il y a la question de la reconnaissance de l’homosexualité. Un sujet extrêmement sensible sur le continent. Un chiffre résume bien l’étendue du problème : 32 pays africains sur 54 interdisent aujourd’hui l’homosexualité.
Une « réflexion pastorale »
De son côté, le Vatican souligne « la nécessité d’un plus long temps de réflexion pastorale » pour comprendre la teneur du texte, écrit notre correspondant sur place, Éric Sénanque. Le document « reste clair et classique sur le mariage et la sexualité », précise le communiqué qui poursuit qu’il n’y a donc aucune raison que ce document soit considéré « comme hérétique, contraire à la tradition de l’Église ou blasphématoire ». Garante du dogme, la Doctrine de la foi souhaite ainsi rassurer ceux qui craignent que la bénédiction des couples de même sexe puisse ouvrir un jour la porte à la reconnaissance des unions homosexuelles. Le document du Vatican admet reconnaître la diversité des contextes culturels locaux où parfois l’homosexualité est criminalisée.
La « réponse d’un pasteur à deux personnes »
« S’il existe des législations qui condamnent à l’emprisonnement et, dans certains cas, à la torture voire à la mort le simple fait de se déclarer homosexuel, on comprend qu’une bénédiction serait imprudente », souligne ainsi le communiqué de presse. Il reste néanmoins important que certaines conférences épiscopales « ne défendent pas une doctrine différente de celle de la déclaration approuvée par le pape » au mois de décembre 2023.
« En aucun cas ces nouvelles bénédictions ne sont une consécration de la personne ou du couple qui les reçoit, ni une ratification de la vie que ces personnes mènent. Il s’agit simplement de la réponse d’un pasteur à deux personnes qui demandent l’aide de Dieu », rappelle le Vatican. Une allusion sans les nommer à plusieurs pays d’Afrique, où les évêques se sont inquiétés face à l’autorisation de bénir des unions homosexuelles.