La COP 28 a débuté le jeudi 30 novembre à Dubaï, aux Emirats arabes unis, le cinquième plus gros exportateur de pétrole au monde. Cette COP sera présidée par le Sultan Ahmed al-Jaber, CEO de l’ADNOC : l’Abu Dhabi National Oil Company.
C’est la première fois dans l’histoire d’une COP qu’elle est présidée par un CEO, même si al-Jaber est également ministre de l’Industrie et des Technologies avancées au sein du gouvernement émirati.
Plus de 70 000 participants étaient attendus jusqu’au 12 décembre Abu Dhabi, dont plusieurs milliers de personnes membres d’une centaine de délégations de pays africains.
« On peut tout à fait imaginer que ce soient les Emirats arabes unis qui accueillent la COP cette année, explique Rebecca Thissen, chargée de recherche pour Climate Action Network, en vertu du changement de continent imposé chaque année pour les COP. En revanche, choisir comme président de cette COP le CEO de la compagnie pétrolière et gazière, cela pose question en termes de conflit d’intérêts. On peut clairement se demander s’il a vraiment envie de mener un agenda réellement ambitieux lors de cette COP ».
Et pour cause, Rebecca Thissen pointe déjà de trop faibles ambitions dans les discours tenus par le futur président de la COP.
Un discours ambigu de la part du CEO
Ainsi, dans un dernier discours, Ahmed al-Jaber a déclaré :
« Nous devons éliminer progressivement les émissions de tous les secteurs, en ce compris les transports, l’agriculture, l’industrie lourde et, bien sûr, les combustibles fossiles, tout en investissant dans les technologies ».
Pour Rebecca Thissen, il se montre ambigu sur le sort qu’il souhaite réserver aux énergies fossiles. « Le président de la COP dit qu’il faut réduire les énergies fossiles, mais pas d’en sortir, ce qui est très différent. Cela veut dire qu’à moyen terme, il voit encore ces énergies comme viables et il voit même leur développement à travers des énergies qu’il qualifie de «propres». Il y a donc une dissonance entre ce discours et ce que disent la science et l’Agence internationale de l’énergie qui affirment qu’il faut sortir des énergies fossiles le plus rapidement possible ».
« Ce qui va être intéressant, c’est de voir comment la gouvernance de cette COP va gérer ou pas ses propres contradictions », rappelle Laurent Morel, ingénieur et associé chez Carbone 4, cabinet spécialisé dans le conseil climat à savoir « si oui ou non les compagnies pétrolières et les pays producteurs de pétrole s’engagent dans la réduction de la production ».
Une centrale solaire de près de 4 millions de panneaux
Conviction profonde ou greenwashing d’avant COP, les Emirats arabes unis affichent en tout cas un objectif ambitieux : tripler le renouvelable d’ici 2030 et réduire de moitié les émissions carbone à la même date. Il y a quelques jours à peine, les dirigeants du pays inauguraient une centrale solaire géante de près de 4 millions de panneaux, capables d’absorber la lumière du soleil d’un côté et celle renvoyée par le sable de l’autre.
« L’exploitation et l’inauguration de la centrale solaire d’Al Dhafra constituent un témoignage clair et tangible de l’engagement des Emirats arabes unis d’éliminer le carbone des systèmes de production d’électricité dans le pays », affirme Othman Al Ali, directeur général de la compagnie d’électricité des Emirats arabes unis.
Engagement sincère ou non, la pression est maximale sur l’organisateur. Tant le résultat, la déclaration finale, que les moyens devaient être scrutés par les observateurs. Cette COP est considérée comme étant celle qui doit générer le plus grand bilan carbone. Par ailleurs, un scandale a déjà éclaté puisque la BBC a accusé Sultan Al Jaber d’avoir voulu utiliser son rôle à la COP pour conclure des marchés dans les énergies fossiles. Une accusation balayée par un porte-parole de l’organisation.
Les attentes des pays africains
Depuis la COP21 à Paris, en 2015, les attentes africaines sont presque les mêmes chaque année : tenir les promesses sur le financement climatique. Mais cette fois, il sera aussi question, pour les économies africaines, de défendre l’usage des ressources fossiles que beaucoup d’entre elles commencent à exploiter.
Cette édition est particulièrement importante, du fait qu’elle préfigure des actions à mener pendant les dix à quinze prochaines années. Cela, notamment, pour les pays africains, qui sont dans une logique d’équité climatique.
À l’heure où la communauté internationale, ou plutôt les grands pays pollueurs, tardent à tenir leurs promesses sur le financement du climat, de plus en plus de voix appellent les pays africains à se mobiliser. Se mobiliser pour financer eux-mêmes leurs projets en rapport avec le climat.
Bientôt 10 ans après la conclusion de cet Accord de Paris, on peine toujours à tenir cette promesse de financement des pays pollueurs, malgré tous les efforts des pays du continent, les évaluations des contreparties au bénéfice des États non polluants ainsi que la litanie des bonnes intentions des pays pollueurs.
Ressources fossiles
Les pays africains devaient, pour leur part, batailler ferme sur un autre volet, l’exploitation de leurs ressources naturelles. Désormais, la tendance est à l’abandon des énergies fossiles, pour privilégier le renouvelable. L’équation, pour le plaidoyer africain, sera de réussir à exploiter ses ressources naturelles fossiles, tout en ne ratant pas le virage du renouvelable. C’est en effet l’un des enjeux majeurs de cette COP.
Sur ce point, les premiers signaux de cette édition ne sont pas de bon augure. Quelques semaines plus tôt, à Nairobi, il a été impossible de réunir l’ensemble des pays du monde sur un consensus concernant l’utilisation des ressources fossiles. Au même moment, la dégradation de l’environnement se poursuit. Le réchauffement climatique s’accélère, puisque de nouveaux records de chaleur ont été enregistrés en cet été 2023.
Le Mozambique et Madagascar, des trajectoires macabres des tempêtes
Et, fait très rare, des vagues de chaleur simultanées déferlent sur la planète. Et ce, sans parler de la multiplication des incendies de forêts, enregistrés de façon très surprenante, dans des pays habituellement connus pour leur climat glacial comme le Canada.
Selon les météorologues, le phénomène El Nino, qui accélère le réchauffement et la hausse de la température des océans, semble désormais s’installer.
Des pays, comme le Mozambique ou encore Madagascar, sont désormais les trajectoires macabres et destructeurs des tempêtes et autres ouragans. Moins préparés que les pays développés, ces nations africaines paient le prix fort en termes de pertes humaines et matérielles.
La RDC, pays solution, espère obtenir un financement considérable à la COP28
Les forêts de la RDC peuvent générer de 223 à 398 milliards de dollars, selon la BM
Suite à ses immenses forêts, d’importantes ressources en eau douce et des réserves minérales essentielles à la transition verte, la RDC clame depuis pratiquement trois ans qu’elle est le « pays solution » au changement climatique planétaire.
Pour la Banque mondiale, qui a publié le 16 novembre 2023 un rapport national sur le climat et le développement (CCDR) pour la RDC, afin que le slogan de « pays solution » devienne réalité, l’institution de Bretton Woods appelle la RDC « à se doter d’institutions plus solides et plus résilientes, à faire face aux conflits et à la fragilité accrus, et à investir substantiellement afin d’atteindre ses ambitieux objectifs climatiques ».
Au cas où ces investissements substantiels ne sont pas réalisés pour notamment protéger ces forêts et que le pays se contente de sa trajectoire de croissance actuelle, « le changement climatique pourrait entraîner une perte de 4,7% à 12,9% du produit intérieur brut (PIB) d’ici 2050 », alerte la Banque mondiale.
Pour que le slogan « pays solution » devienne réalité et obtenir des dividendes conséquentes
Au cas où les forêts congolaises sont gérées de manière durable par des institutions fortes et résiliantes, elles « peuvent générer une valeur estimée entre 223 milliards et 398 milliards de dollars par an grâce au carbone stocké et aux services écosystémiques associés nécessaires pour atténuer les impacts des catastrophes et renforcer la résilience des communautés de la RDC », ajoute la Banque mondiale.
« La RDC pourrait devenir le premier pays solution en Afrique et au-delà, avec ses énormes réserves de minéraux verts, ses forêts vierges et sa capacité hydroélectrique. Des institutions plus fortes et plus résilientes ainsi que des financements substantiels sont nécessaires pour réaliser cette ambition, sans oublier que le pays devrait également s’attaquer à ses propres risques climatiques et poursuivre une croissance durable, à faible émission de carbone et plus diversifiée », a commenté Albert Zeufack, directeur pays de la Banque mondiale.
Parmi les mesures préconisées par la Banque mondiale pour protéger ces forêts congolaises, il y a notamment les investissements dans l’agriculture, la gestion des paysages ainsi que l’adoption des pratiques de cuisson propres pour réduire la déforestation.
Des ressources largement sous-estimées par les nationaux
Tous les spécialistes interrogés par l’Agence congolaise de Presse (ACP), dans son document audiovisuel réalisé le 19 novembre, notamment un journaliste spécialisé des questions environnementales et le facilitateur congolais de l’initiative inter-religieuse pour les forêts tropicales, ont donc largement sous-estimé les dividendes que la RDC pourrait retirer de ses richesses forestières, le plus grand poumon du monde après l’Amazonie, n’évaluant la contrepartie des pays pollueurs en sa faveur qu’à 100 milliards de dollars par an.
Le président Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, candidat à sa propre succession, prend part à cette importante COP28, après avoir décidé de suspendre sa campagne électorale pour la présidentielle du 20 décembre, débutée le 19 novembre.