Le roi Charles III a été couronné, le samedi 6 mai à l’Abbaye de Westminster, devant un parterre de 2 300 invités de marque venus de tous les coins de la planète.
Alors que les alentours de Buckingham Palace étaient assiégés par une foule nombreuse depuis les petites heures – certains ayant passé la nuit sur place pour avoir la meilleure vue – l’événement a débuté par une cérémonie chrétienne empreinte de solennité, à l’issue de laquelle le roi Charles, 74 ans, et la reine Camilla, 75 ans, se sont présentés au balcon du Palais de Buckingham pour saluer la foule, entièrement acquise à la monarchie, qui a répondu par des hourras.
Signe, s’il en faut que beaucoup de temps s’est écoulé et les Britanniques ont fini par oublier, peut-être par pardonner à ce monarque qu’ils considéraient comme étant à la base de la mort de leur reine de cœur Lady Diana, tragiquement disparue après un accident de circulation à Paris, dans la nuit du 30 au 31 août 1997, alors que sa voiture était pourchassée par les paparazzis.
Signalons par ailleurs que la cérémonie de couronnement du roi Charles, la première à laquelle les Britanniques étaient conviés depuis 70 ans, a été émaillée d’arrestations de manifestants anti-monarchie, qui a fait bondir les organisations de défense des droits humains dénonçant le non-respect de la liberté d’expression.
Mais la séquence la plus émouvante a été celle où l’archevêque de Canterbury, Justin Welby, le chef de l’église anglicane du Royaume Uni, a posé la couronne de Saint-Edouard, en or massif sertie de rubis, et lourde de 2 kilos, sur la tête du nouveau souverain.
Peu avant, à l’abris des regards, caché derrière des paravents richement brodés, le roi avait prêté serment sur la Bible, avant de s’agenouiller devant l’archevêque de Canterbury pour recevoir l’onction.
Immédiatement après, le prélat a proclamé « God Save The King », repris en chœur par les milliers des convives présents à l’abbaye. C’est alors que les trompettes ont retenti, suivies par une salve de coups de canons tirés sur et en mer depuis des bateaux de la célèbre Royal Navy.
Son fils William s’est également prêté au cérémonial, en prêtant le serment d’allégeance au roi, en qualité de prince héritier du trône, alors que Camilla, la nouvelle épouse de Charles, après Diana Spencer, a elle aussi été bénie puis couronnée reine.
Un monarque africain aux premières loges
À Buckingham Palace le jeudi 4 mai, on a pu apercevoir parmi les convives le roi des Ashantis, dont l’importance et le prestige suscitent un tel respect. Il se tenait à côté de Charles III, dans une belle complicité avec le nouveau roi.
Les deux souverains se connaissent bien et leurs relations semblent sincères. En effet, même la défunte reine Elizabeth éprouvait de l’égard envers la dynastie ashanti, dont l’influence s’étend sur l’ensemble du grand peuple Akan, que l’on retrouve au Ghana, en Côte d’Ivoire et un peu au Togo.
Il faut avoir visité son palais royal de Manhyia, à Kumasi, pour appréhender le rayonnement de ce souverain. En effet, depuis des décennies, ceux qui accèdent à ce trône sont des personnalités d’envergure, formées dans les meilleures universités britanniques avec, généralement, un parcours professionnel brillant.
Ainsi l’actuel, Otumfuo Osei Tutu, a été formé à Polytechnic of North London, aujourd’hui London Metropolitan University, avant de faire carrière notamment dans une grande compagnie d’assurances à Toronto, au Canada. Un autre, le sultan de Sokoto, au Nigeria, règne sur un empire fondé par Ousman Dan Fodio, illustre figure de la grande histoire africaine.
Le respect voué par l’Empire britannique résulte de la nature de sa colonisation qui, contrairement aux autres, s’était intéressée aux richesses des pays, pour les exploiter en faveur de la métropole, sans jamais régenter au quotidien la vie des peuples colonisés, aux termes de l’Indirect Rule. L’une des conséquences est sûrement le niveau de formation des élites politiques des colonies britanniques, pour plupart, formée au Royaume-Uni, aux États-Unis, ou simplement dans de grandes universités africaines.
D’ailleurs, Fourah Bay, la plus ancienne université d’Afrique noire a été fondée en 1827, en Sierra Leone, et était célèbre pour ses facultés de Médecine, de Droit, de Philologie, où venaient se former des étudiants de toutes les colonies britanniques de l’Ouest africain. Cette éducation a-t-elle influencé les pays anglophones d’Afrique dans la gouvernance de leurs États ? Il n’y a qu’un pas facile à franchir.
L’Afrique du Sud demande son diamant
Alors que le roi Charles III était couronné, l’Afrique du Sud a réclamé la restitution du Cullinan I, pièce maîtresse d’un sceptre que le monarque britannique a tenu lors de la cérémonie. Le couronnement en grande pompe du roi Charles III semble avoir réveillé les Sud-Africains concernant leur précieux diamant.
Le Cullinan I, l’un des plus gros au monde, a été trouvé en Afrique du Sud en 1905. Surnommé « Star of Africa », ce diamant de 530 carats avait été offert au roi Edouard VII pour son anniversaire, deux ans après sa découverte.
Alors que les festivités du couronnement se déroulaient au Royaume-Uni, le député d’un parti d’opposition sud-africain, Vuyolwethu Zungula, a ainsi rappelé que « toutes les richesses minérales de l’Afrique du Sud appartiennent au peuple sud-africain, pas à un palais britannique ».
Il ajoute : « Des gens sont morts, du sang a été versé pour que ces diamants trouvent le chemin de la Grande-Bretagne ».
Une pétition, libellée « On ne paie pas pour des biens volés ! », a même été créée en ligne afin de demander « le retour de nos diamants pour qu’ils y soient exposés dans un musée ». Elle a rapidement réuni plus de 8 000 signataires.
Le Star of Africa avait été taillé dans le diamant Cullinan de 3 126 carats. Ce plus gros diamant jamais extrait pesait 621 grammes à l’état brut. Il a ensuite été envoyé à Amsterdam pour être taillé en deux pierres principales, sept pierres précieuses et 96 brillants. Une partie de ces pierres a été sertie dans les joyaux de la couronne britannique, tandis qu’une autre a été offerte à des membres de la famille royale.
Les appels à restituer le Cullinan I ont commencé dès la fin de l’apartheid et n’ont cessé de se multiplier. Le député de l’opposition, qui ne décolère pas, a été catégorique : « Nous voulons récupérer le Star of Africa, et tous les diamants, l’or et autres minéraux que l’empire britannique a volés à l’Afrique du Sud ». Tout un programme.