Il est indispensable que les Africains travaillent à la réappropriation de leur savoir ancestral. C’est peut-être la leçon à tirer de cette émouvante histoire d’une Africaine qui avait subi une intervention chirurgicale inédite en Occident, avant de recourir à la médecine africaine pour sa guérison.

Interview réalisée par Jean Cornelis Nlandu

Pascaline Kasongo Feza, puisque c’est d’elle qu’il s’agit, souffrait d’un cancer lorsque les médecins, à l’hôpital Saint Elizabeth d’Uccle, à Bruxelles, décident de lui faire subir l’ablation de l’estomac.
Les premiers examens étaient réalisés en juin 2017, avant que le cancer ne lui soit diagnostiqué en septembre. Un cancer déjà bien installé, qui amène le médecin à décider purement et simplement l’ablation de l’estomac. Une première.

« Je suis opérée en décembre et je vais rester un mois à l’hôpital, n’étant nourrie que par voie intraveineuse », nous avoue Mme Feza, avec laquelle Onésha Afrika s’est entretenu, grâce au contact établi par notre éditeur Victor Olembo. « Nous avons tellement été conditionnés par le cartésianisme que nous refusons à la nature de nous parler », déclare-t-elle avant de poursuivre son récit.
Alors qu’elle est hospitalisée, un événement inédit va se produire. « Pendant mon sommeil, je fais un rêve où on me dit que je dois aller en forêt », précise-t-elle sans réellement savoir ce que cela signifiait. En effet, explique Mme Feza, « nous, Africains, avons subi un tel lavage de cerveau que nous avons oublié qu’il faut être attentif aux appels de la nature ».

C’est le lendemain qu’un ami à elle, vivant au Sénégal, l’appelle au téléphone, lui demandant de quitter la Belgique pour le rejoindre afin de poursuivre les soins, grâce à la médecine traditionnelle, qui semble produire des effets escomptés. Sans hésiter, elle signe une décharge et, réunissant ses derrières forces, quitte l’hôpital. Plusieurs événements vont alors se succéder, la confortant dans le sens qu’il s’agissait là de la voie du destin.

D’abord, elle se présente à une agence de voyage où elle obtient un billet pour le lendemain, au prix ridicule de 120 euros. Ensuite, lorsqu’elle embarque dans l’avion, tout en étant en piteux état, un sujet sénégalais est assis à côté d’elle. C’est lui qui va l’aider dans tous ses besoins jusqu’aux formalités à l’entrée du Sénégal. « On dirait un ange gardien qui m’a été envoyé », reconnaît-elle.

Un hôpital holistique

Forêt du Sénégal, par Moctar FICOU

Au Sénégal existe un hôpital holistique, où l’on tient compte du corps, de l’âme et de l’esprit, un hôpital totalement encadré, tenu par un médecin traditionnel. Cette formation médicale existe depuis plus de 40 ans et est soutenue par les Français. En effet, au moment où la lèpre était endémique, au Sénégal on guérissait cette pandémie en un temps record, grâce aux plantes.
Contrairement aux Africains qui rechignent à se fier au savoir de chez eux, les Français vont y financer les recherches, et codifier cette connaissance empirique.

« À l’hôpital holistique, on me dit que je dois aller me promener en forêt. Comme je l’avais vu en rêve, alors à Bruxelles », nous confie-t-elle, ajoutant : « J’y suis allée à deux reprises. La troisième fois, à mon retour à l’hôpital, le personnel me pose la question de savoir si j’ai noté quelque chose ». En effet, dit-elle, lorsqu’elle était arrivée sous un certain arbre, elle a eu la sensation de se sentir mieux. Pour le personnel hospitalier, c’est l’arbre qu’il fallait pour la soigner.
« Nous sommes rentrés dans la forêt avec le personnel pour récolter les feuilles de cet arbre, avec lesquelles on a préparé des bains, du produit de massage et des huiles ».

Après trois semaines de traitement, « j’étais réellement remise, alors que je suis arrivée au Sénégal totalement méconnaissable », a-t-elle reconnu. Elle soutient qu’elle avait même recommencé à manger par la bouche, par petites quantités.
« Nous mangions ensemble, à dix ou douze dans la même assiette. Et, avec le conditionnement, j’ai une fois posé la question de savoir si nous ne nous transmettions pas des microbes ». La réponse était déroutante : « Ici, vous ne partagez pas seulement la nourriture, mais également l’énergie », lui a-t-on dit.

Après près de quarante-cinq jours, Mme Feza revient en Europe. Elle va voir son médecin, qui tombe des nues, face à cette dame rayonnante de santé, et qui avait déserté l’hôpital totalement mal en point.

Se réapproprier le savoir ancestral

Balade en forêt africaine (Image : travelmoveandlove.fr)

Dans la dernière partie de notre entretien, Mme Feza s’est longuement appesantie sur les enseignements tirés de son séjour à l’hôpital holistique du Sénégal. À ce sujet, elle estime que l’Afrique recèle de beaucoup de richesses, alors que ses ressortissants ne cessent de lorgner vers l’étranger. L’herbe, dit-on, étant plus verte ailleurs.

À son avis, la médecine occidentale est plutôt une médecine extractive, contrairement à l’Afrique où l’approche est différente, holistique, c’est-à-dire s’intéressant à l’objet dans sa globalité.
En effet, selon elle, « la maladie vous parle. Un jour, alors que j’étais dans la forêt, j’ai entendu une voix me dire: ‘Voici la pharmacie que j’ai préparée pour vous. Tout ce dont vous avez besoin se trouve ici’, c’est-à-dire la forêt, avec tous ses arbres », précise Mme Feza, ajoutant : « Il y a la médecine chinoise, qui est respectée, au même titre que la médecine indienne. Il n’y a que la médecine africaine qui est rejetée ».

De même qu’un écrivain et philosophe ivoirien, Adé Adiafi, écrivait que « celui qui veut assassiner un peuple détruira son âme, profanera ses croyances, niera sa culture et son histoire », il est en effet dommage que les Africains se soient finalement reniés, pour épouser d’autres cultures, occidentale ou arabe.

Publicité