Du 3 au 5 septembre 2022, la capitale congolaise a refusé du monde. Plus de 60 ministres venus de tous les coins de la planète, des missions dominici des organisations internationales et des experts en problèmes d’environnement ont squatté le Palais du peuple de Kinshasa.
Tout ce beau monde a pris son quartier à Kinshasa en vue de débattre du changement climatique et de la protection des forêts tropicales humides, dans le cadre des travaux préparatoires à la 27ème Conférence des parties prenantes à la Convention-cadre des Nations-Unies sur le changement climatique (PRE-COP27)
Co-organisée avec l’Égypte, la PRE-COP27 est préparatoire à la 27ème session sur le changement climatique, prévue du 6 au 18 novembre prochain à Charm El-Cheik en Égypte. Les travaux de Kinshasa ont eu pour objectif de produire des orientations sur les différentes thématiques qui feront l’objet des débats en terre égyptienne.
Il faut signaler que le choix de Kinshasa pour la tenue de ces travaux préparatoires est loin d’être anodin. La République démocratique du Congo, c’est en effet 155 millions d’hectares de forêts humides de la planète. Un chiffre auquel il faut ajouter des tourbières, des massifs de mangroves et 10% des réserves d’eau douce des terres émergées.
La RDC, c’est aussi le pays où le chef de l’État en exercice, le Président Félix Tshisekedi, à fait du changement climatique l’une des priorités de son mandat.
« La République démocratique du Congo offre déjà beaucoup et continuera de contribuer davantage aux efforts globaux de lutte contre le changement climatique en faveur de l’humanité, car elle s’affiche dorénavant comme ‘pays-solution’ à la crise climatique mondiale », a assuré d’emblée le Premier ministre congolais Jean-Michel Sama Lukonde à l’ouverture des travaux.
Déclaration de Yangambi
En septembre dernier, c’est toujours le gouvernement congolais qui avait organisé, à Yangambi dans la province de la Tshopo, une conférence internationale réunissant des scientifiques venus de 24 pays, pour discuter des stratégies et des moyens susceptibles d’améliorer la protection du Bassin du Congo et des autres massifs forestiers tropicaux, confrontés au phénomène du changement climatique.
Des travaux qui ont accouché d’une résolution désormais connue sous l’appellation de « Déclaration de Yangambi ».
À l’ouverture des travaux de Kinshasa, par la bouche de sa vice-Première ministre et ministre de l’Environnement et du Développement durable Eve Bazaiba, la RDC à fait part de sa préoccupation sur l’accès des pays forestiers aux Fonds climats.
« Comment expliquer toutes les conditions imposées à nos États pour accéder à des fonds destinés à protéger des ressources dont nous sommes tous bénéficiaires ? », s’est-elle interrogée à cette occasion.
La RDC au cœur de l’attention mondiale
Depuis la première session de la Conférence sur le climat, le monde entier a pour la République démocratique du Congo les yeux de Chimène, mais semble rester réticent quant à passer à la caisse et libérer les fonds en sa faveur, en tant que dépositaire du 2ème poumon du monde.
Deux faits majeurs survenus récemment pourraient cependant faire bouger les lignes dans les mois et années à venir. En premier lieu, il y a cette courbe ascendante et de plus en plus meurtrière des catastrophes naturelles en Amérique, en Europe, en Asie et un peu partout dans le monde, que les spécialistes attribuent aux méfaits des changements climatiques induits par la pollution dans les pays hautement industrialisés, et qui pousse leurs opinions publiques et leurs gouvernements à opter désormais pour les énergies vertes, en défaveur des énergies fossiles.
12 milliards de dollars de Washington
Aux assises de Kinshasa, le représentant du gouvernement américain John Kerry, a fait part de l’intention de l’administration américaine de disponibiliser 12 milliards USD sur cinq ans, en appui aux pays disposant des bassins forestiers. Il faut dire que si la communauté mondiale est prompte à crier au loup à chaque fois qu’un arbre est abattu en Amazonie ou dans la cuvette centrale congolaise, elle ne manifeste pas le même empressement à délier les cordons de la bourse, quand il s’agit de compenser les privations qu’endurent les pays dépositaires de la respiration mondiale et leurs populations.
Par ailleurs, la République démocratique du Congo, consciente de cette sorte de duperie mondiale, a décidé de fourguer au plus offrant ses 27 blocs pétroliers, dont certains jouxtent, voire empiètent sur des aires protégées ou des parcs nationaux dans sa forêt tropicale.
Cette décision, motivée d’abord par un souci légitime de recherche des ressources additionnelles pour le développement du pays, a suscité des cris d’orfraie dans toutes les capitales occidentales, au point de susciter une véritable levée de boucliers de certains gouvernements et de la plupart des Ong de défense de l’environnement.
Inventer des stratégies pour rentabiliser les blocs pétroliers
Certains en sont arrivés jusqu’à donner des injonctions au régime en place, tel l’envoyé des États-Unis aux travaux de Kinshasa, qui s’est autorisé d’enjoindre au gouvernement congolais de retirer carrément six blocs pétroliers de sa liste.
La RDC dispose aujourd’hui d’une grande opportunité pour se faire une place de choix dans le concert des nations. En retard dans presque tous les secteurs qui comptent, le Congo-Kinshasa peut par contre se prévaloir d’une position de n° 2, après le Brésil, sur la liste des pays qui permettent encore à la planète de respirer.
Il lui reste seulement d’inventer des mécanismes institutionnels et des stratégies adéquates pour rentabiliser cette opportunité unique, et ainsi la transformer en espèces sonnantes et trébuchantes.