Le 1er septembre 2022 a marqué le rendez-vous des 5 mois, donné le 1er avril dernier par le Lieutenant-colonel Paul Henri Sandaogo Damiba, « pour un premier bilan de la mission de reconquête de notre territoire ». À l’heure du bilan, le constat est loin des attentes.
A l’heure «du premier bilan», force est de constater que les fruits n’ont pas tenu la promesse des fleurs. Pire, un pouvoir autoritaire semble se profiler à l’horizon.
« Mon mari avait confiance au président actuel. Il a dit que c’est celui-là qu’on attendait…, afin qu’il fasse revenir la paix au Burkina Faso. Si le président arrive à faire cela, nous les femmes des « corps habillés » seront soulagés parce qu’ils sont morts pour cela. Et j’espère vraiment qu’il n’est pas mort cadeau… ».
Ainsi s’exprime la veuve Jeannette Yanoaba/Benon sur Oméga TV au Burkina Faso, lors du magazine « Grand reportage » intitulée « Terrorisme au Burkina : le deuil silencieux des parents ».
Son époux, l’adjudant Issa Yanoaba, du génie militaire, est tombé sur le champ d’honneur, à Sollé le 5 mai 2022. Soit, près de 4 mois après la prise de pouvoir de celui en qui, il avait placé sa confiance, contre vents et marées.
Cet exemple situe les espoirs d’un peuple, d’une nation sacrifiés sur l’autel des aspirations d’un groupuscule. À l’heure du « premier bilan de la mission de reconquête de notre territoire », analysons la situation en partant de la situation d’avant le 24 janvier 2022 à celle de ce 31 août 2022.
Le 31 décembre 2021, le Conseil national de Secours d’Urgence (CONASUR) recensait 1 579 976 personnes réfugiées au Burkina Faso. Le 30 avril 2022, les chiffres donnent 1 902 150. Quant à la reconquête du territoire national, le président Mahamadou Issoufou du Niger, médiateur de la CEDEAO pour le Burkina Faso, affirme : « 40% du territoire sont hors du contrôle de l’Etat ».
C’était le 17 juin 2022. Dans sa parution du 15 au 31 août 2022, le bimensuel Le Reporter annonce « 55% du territoire hors contrôle de l’Etat » en citant le gouvernement burkinabé comme source.
Allant plus loin, le ministre Yéro Boly, lors de sa conférence de presse du 11 avril 2022, affirme que des populations sont retournées se réinstaller dans leurs localités. Il cite Déou et Thiou, deux localités respectivement du Sahel et du Nord.
Le journal Le Reporter, sous la plume de Boureima Ouedraogo, répond : « En effet, face aux dures réalités de la vie de déplacés internes, des populations de ces localités ont rejoint le bercail pour se soumettre au joug des terroristes.
Ces deux localités sont sous le contrôle des groupes armés qui autorisent les populations à revenir s’installer. Cependant, les forces de défense et de sécurité (FDS), l’administration et les services publics de l’État, notamment l’éducation, sont formellement interdits. Les populations sont donc abandonnées à ces groupes terroristes. »
En conclusion, le président de la transition, le lieutenant-colonel Paul Henri Sandaogo, n’a pas réussi dans la mission de reconquête du territoire.
2 millions pour le député par trimestre en plus des 600 000 F CFA de salaire
Ce n’est pas tout. Le navire battant pavillon Burkina Faso semble tanguer. La situation économico-socio-politique se conjugue avec une course aux postes, à la prolifération des OSC dans l’unique but de « bouffer ». Le pire est que l’on est allé jusqu’à nommer des morts ou, mieux, nommer des personnes à des postes différents en moins d’une semaine.
Cerises sur le gâteau, non content d’avoir doublé leur propre salaire, le gouvernement Damiba s’est payé le luxe d’augmenter deux fois de suite, en 6 mois d’intervalle le prix du carburant. Le ministre du Commerce a tenté de justifier l’injustifiable sur le plateau de la Télévision nationale. La perspicacité du journaliste Fousséni Kindo a permis de faire comprendre au ministre que l’argument de l’augmentation du prix du baril sur le marché international ne tient pas, car ce prix avait baissé en ce moment-là.
Les députés de l’ALT ne se sont pas non plus fait prier pour puiser dans la cagnotte du contribuable. Le bimensuel L’Evènement du 25 juillet 2022 écrit : «Les salaires des ministres, avec le décret du 1er mars 2022, ont été augmentés de 145% et celui du Premier ministre de 155%. Un ministre burkinabé perçoit chaque mois 2 386 256 fCFA au lieu de 973 320. Le Premier ministre lui passe de 1 089 720 à 2 782 717 f CFA. »
Des esprits malins ont vite fait de comparer ces salaires à ceux du gouvernement du président déchu, oubliant que lorsqu’on vient pour redresser un pays, on s’impose des sacrifices. Alors, les députés embouchent la même trompette.
En plus de percevoir un salaire brut de 600 000 fcfa par mois, avec en plus 22 500 fcfa par jour pendant les sessions, les députés se font payer « gracieusement » 2 000 000 chaque trois mois. Lorsqu’on fait le calcul, cela pèse une fortune dans le budget national.
Une grave crise humanitaire
Et pourtant, cette guerre ne dépasse pas le Burkina Faso. L’affirmation est évidente en terme non seulement de moyens militaires, humains et stratégiques. L’armée regorge d’hommes à la hauteur de la mission. Ils ont l’amour de la patrie et du métier des armes.
Le problème réside dans les choix des autorités de la transition. Le terrorisme n’est pas une pratique sahélienne, à plus forte raison, burkinabé.
Partant de ce constat, si ce pays échoue dans cette lutte, c’est tout simplement parce que les décisions politiques et les choix à opérer pour enrayer le terrorisme ne sont ni adaptés encore moins opportuns. Il y’a une contradiction dans l’approche et la démarche pour venir à bout du phénomène: option militaire couplée avec l’option du dialogue. Cela ne peut marcher.
Le Premier ministre Albert Ouedraogo, lors de son récent interview-bilan des 7 mois, a dit qu’il ne connaît pas les revendications des terroristes. Or, on négocie pour trouver un terrain d’entente avec quelqu’un lorsqu’on connaît ses revendications. Ce qui permet de faire des concessions.
Les terroristes occupent 55% du territoire. Ils ne seront pas prêts à les libérer dans la mesure où cet espace est leur moyen de chantage et de pression. Les autorités du Faso disent que l’intégrité territoriale est “non négociable “. Blocage.
À la longue, on fera des zones (cela se fait déjà) sous contrôle terroristes avec leur fonctionnement, leur check point, leur administration etc. Et, l’Etat se contentera du reste des 45% pour gérer. Pour venir à bout du terrorisme, il faut aussi prendre en compte la mise en place d’une armée africaine dotée de moyens militaires et technologiques adéquats.
Ainsi, il convient de mettre en stand-by le dialogue et placer la priorité sur l’option militaire pour négocier en position de force, non pas pour faire des concessions mais plutôt leur faire accepter les exigences de l’État, dans la mesure où on négocie toujours en situation de force et non de faiblesse.
Changer le discours et la communication
Par ailleurs, il faut éviter les phrases: ce sont des Burkinabé qui ont pris les armes contre des Burkinabé. Un discours contient en lui-même les germes de la guerre civile. On le sait, la recrudescence du terrorisme dans le Sahel est la résultante des actions de la France avec l’OTAN en Libye.
Alors, dire que ce sont des frères burkinabé qui ont pris des armes contre des Burkinabé, c’est attiser la haine et le mépris de “ces” frères. Les terroristes sont issus des grands groupes d’Al Qaïda et de l’État islamique avec les sous-groupes qui écument le Sahel et qui, souvent, se combattent entre eux. La bonne communication est de traiter « nos frères » qui y sont de traites de la nation.
Le dialogue en l’état ne nous apportera rien de bon sinon, une accalmie éphémère. Or, ce n’est pas en cassant le thermomètre que l’on fera baisser la fièvre.