Par David Gakunzi / Mémoire du Monde noir

Création de l’UNITA : Mister Garvey est là

Le 31 juillet 1914, Marcus Garvey, le militant jamaïcain crée l’UNIA. Elle sera la plus grande organisation nègre de tous les temps en terme de mobilisation populaire. Ses publications étaient lues jusque dans les villages reculés d’Afrique, où elle étaient d’ailleurs interdites. Le 1er août 1920, l’UNIA tient son premier congrès à New York. Les rues de Harlem roulent au son de marches entraînantes. Des troupes en uniformes élégants défilent au pas cadencé vers le Madison Square Garden. Mister Garvey est là. Pour répandre le message : « Nous sommes les descendants d’un peuple qui a trop souffert ; nous sommes les descendants d’un peuple résolu à ne plus souffrir. Nous allons mobiliser les 400 millions de Noirs de la planète et planter sur le sol d’Afrique la bannière de la liberté. » Les rues de Harlem roulent sur le son de marches entraînantes, entraînantes vers la liberté

Victoria Mxenge : Soyez affamés de justice

Le 2 août 1985, un commando de tueurs investit la maison de Victoria Mxenge et assassine tout ce qui respire. Mxenge meurt victime de combat d’avocat défenseur des droits de l’homme en Afrique du Sud. Un livre ouvert, un carnet de notes, une tassé de café comme pour dire je reviens tout de suite. Voilà ce qu’elle a laissé. Ils sont arrivés, ils étaient plusieurs, ils ne parlaient pas, ils avaient de longs couteaux, ils l’ont vidée de sang. Sur son carnet de notes quelques lignes : « Ayez une faim étendue. Soyez affamés de justice pour que le souci ne ronge pas nos morts. »

Edward Wilmot Blyden : Il est l’heure Afrique

Né le 3 août 1832 et mort en 1912, Blyden fut le premier écrivain, linguistique et historien des Iles Vierges à acquérir une notoriété internationale. Il a enseigné au Libéria et y a occupé des postes politiques. Par ses travaux sur l’histoire de l’Afrique il est l’un des pionniers du panafricanisme. Blyden aimait l’Afrique jusqu’à l’idolâtrie. Il plongea sa main dans la mémoire du continent, palpa ses chauds recoins et ses replis pour recueillir le battement confus de sa grandeur et de sa douleur : « Il est l’heure Afrique, ne cessa-t-il alors de répéter, de semer les racines et de les orienter vers le ciel. Car n’oublie pas : qui veut puissance et gloire demande à l’avenir son pouvoir. »

Abebe Bikila : Le marathonien du Négus

Rome, Jeux Olympiques 1960 : Abebe Bikila remporte le marathon. Il sera le seul athlète de l’histoire des Jeux Olympiques à avoir remporté deux fois cette épreuve. Lorsqu’il y a quelques heures le marquis Dexter a donné le départ du marathon, personne n’aurait parié la moindre lire sur le dossard numéro 11. Un illustre inconnu courant pieds nus. Tous les regards étaient fixés sur le Marocain Rhadi, le Français Alain Mimoun, le Britannique Kelly et le Belge Van Der Drerseche. Dès les premiers kilomètres, deux hommes se sont détachés du peloton de tête : Le Marocain Rhadi et le dossard numéro 11. Il ne va pas tenir longtemps à l’allure de Rhadi, se disait-on. Mais vers le 41ème kilomètre, le dossard numéro 11 était toujours là. Et puis d’allonger la foulée. Et de prendre une dizaine et puis une centaine de mètres d’avance sur Rhadi. Et de marteler fièrement pieds nus les pavés de Rome, cette ville d’où partirent ceux qui voulaient réduire son pays en esclavage. Et de franchir le premier la ligne d’arrivée. L’illustre inconnu a 27 ans. Il est caporal de la Garde impériale du Négus. Tout le monde est surpris par sa victoire, sauf lui : « Je n’étais pas le seul de la Garde à pouvoir gagner. » Pourquoi a-t-il couru pieds nus ? : « J’ai toujours couru comme cela dans la brousse. Et d’ailleurs on ne porte pas de chaussures à la Garde », répond-il. Svelte, visage étroit et fier souligné par un nez saillant et une fine moustache.

Le dossard numéro 11 s’appelle Abebe Bikila.

Espaces ouverts

Née en 1929 au Sénégal, Mariama Ba est morte le 18 août 1981. Militante des droits de la femme, elle a dénoncé avec un grand talent littéraire le sort réservé aux femmes dans certaines sociétés africaines contemporaines. La société lui demandait compréhension. Mais comprendre quoi ? La suprématie de l’instinct ? Elle ne pouvait être l’alliée des instincts polygamiques. Alors comprendre quoi ? La société rigide, pétrie de morale mâle, brûlée intérieurement par les forces anciennes lui demandait compréhension. Mais comprendre quoi ? L’habitude de ne plus penser ? De ne plus décider ? De ne plus voir ? Parce que femme ? Elle ne pouvait ignorer l’usage de la liberté. Alors comprendre quoi ?

Hannibal : Il paralysait ses adversaires

Général carthaginois né en 247 avant J.C., Hannibal devint commandant en Espagne oùù en 219 avant J.C., il attaqua Sagonte, ville protégée par Rome. Ce qui conduisit à la 2ème guerre punique. En 218 avant J.C., il traversa les Alpes d’Ouest en Est et remporta de nombreuses victoires sur les Romains. Rappelé en Afrique où Scipion menace Carthage, il est défait en 202 avant J.C. Condamné en exil, il préfère se suicider plutôt que de tomber aux mains des Romains. Il regardait toujours droit devant lui. Et ce qui lui restait des yeux pétillait. Comme s’il était en train de cerner un ennemi. Il était plus courageux et plus intelligent que tous les généraux de son époque. Dès qu’il arrivait sur un champ de bataille dans les poitrines vaincues circulait à nouveau le sang des combattants. Il paralysait ses adversaires et rendait invincibles ses compagnons. Il savait délier ou détruire les défenses les plus élevées, les plus épaisses. Il savait utiliser la stratégie, la force et la ruse. Il savait concevoir l’inconcevable, et réalisa l’impossible.

Domingo Bioho : Bioho est toujours vivant

Deux millions de Noirs vivent aujourd’hui sur les côtes colombiennes. Descendants d’esclaves ils ont gardé en mémoire les combats de leurs ancêtres marrons. L’un des plus vénérés d’entre eux est Domingo Bioho qui défia jusqu’à sa mort le système esclavagiste. Il y’a quelques années, Bioho réussissait à fuir les galères des champs de Cartagena. Depuis, les chiens et les arquebusiers sont à ses trousses. Maintes fois on l’a donné capturé et exécuté. Maintes fois on l’a donné mort et déchiqueté par les chiens. Combien de fois ne l’a-t-on crucifié sur un grand mât après lui avoir coupé le pénis comme il se doit ? Combien de fois n’a-t-on exhibé sa tête traînée par une mule dans tout Cartagena ? Combien de chasseurs de primes n’ont-ils pas reçu des terres pour l’avoir capturé et lui avoir tranché la tête ? Pourtant Bioho est toujours vivant. Il règne encore dans la communauté marrone du canal de Dique. Tête et mains pendantes, flamboyantes, masquant sa trace aux chiens et aux chasseurs de primes, son corps suant et libre s’élance toujours dans le roncier humide. Sur sa machette comme sur des rameaux nichent pigeons et agoutis, et le temps de la volonté, et le temps de la liberté

Publicité