Le 24 décembre 2021, les Libyens se rendront aux urnes. Dix (10) ans après l’assassinat crapuleux du Guide Mouammar Kadhafi, un pays exsangue tente de retrouver ses marques. Pendant ce temps, les partisans tapis dans l’ombre refusent de laisser le crachoir. L’élection présidentielle se présente alors comme celle de tous les dangers. La quadrature du cercle…

La première élection présidentielle libyenne qui se tiendra le 24 décembre prochain attise les tensions dans un pays qui tente de panser ses plaies et d’achever sa transition vers la démocratie. Une situation à haut risque, qui ravive le spectre d’une victoire des Frères musulmans ou d’un retour au pouvoir du clan Kadhafi, dix ans après la chute du dictateur.

Pour la première fois de leur histoire, 3 millions d’électeurs libyens désigneront librement leur chef de l’Etat le 24 décembre prochain. Dix ans après la fin du régime de Mouammar Kadhafi, la première élection présidentielle libyenne pourrait marquer une nouvelle étape cruciale dans le processus de transition du pays vers la démocratie. A condition toutefois que les manœuvres politiques des différentes forces en présence ne conduisent pas à un nouveau report de l’échéance, aux conséquences potentiellement délétères pour la stabilité du pays.

Le Premier ministre libyen Abdulhamid Dbeibah. M. EL SHAIKHY

Dures négociations

Malgré la constitution à l’automne dernier du Forum de dialogue politique libyen (FDPL) sous l’égide de l’ONU, puis celle d’un gouvernement d’union nationale à la mi-mars autour d’Abdelhamid Dbeibah, les négociations entre les différentes factions politiques se tendent à nouveau à mesure que s’approchent la perspective des élections générales de la fin d’année.

Signe d’un climat désormais plus difficile, les blocages apparaissent se multiplier à la tête de l’Etat libyen. Le nouveau Premier Ministre s’est déjà vu compromis dans un scandale de corruption moins de trois mois après son arrivée, tandis que le budget de son gouvernement n’a toujours pas reçu d’approbation du Parlement.

Chargé de préparer les modalités du scrutin, le Forum de dialogue pâtit quant à lui de l’absence de certaines composantes ethniques et politiques de la société civile libyenne pour asseoir sa légitimité. Largement dominé par les Frères musulmans qui occupent à eux seuls 42 sièges de l’organisation, le Forum a vu notamment le départ des nostalgiques de Mouammar Kadhafi peu de temps après sa création. Il essuie désormais de nombreuses critiques sur sa représentativité, alors que les doutes se multiplient quant à la conclusion d’un accord suffisamment large pour permettre la tenue des élections en décembre.

Un conflit interminable….

Saïf al-Islam Kadhafi en outsider

Deuxième fils et dauphin du « Guide », Saïf al-Islam Kadhafi s’est quant à lui déjà déclaré candidat et pourrait exploiter les divisions de la classe politique pour acter le retour de son clan sur le devant de la scène. Après avoir remporté plusieurs sièges lors des élections municipales de 2020, les soutiens de l’ancien régime ont aussi participé au Forum de dialogue politique avant d’en claquer la porte avec fracas. Sans pour autant renoncer à peser sur la phase de transition et mieux avancer leurs pions.

Saïf al-Islam Kadhafi avait tenté dès 2018 de revenir dans le jeu politique en faisant planer l’éventualité de sa candidature à la présidentielle. L’héritier de Mouammar Kadhafi bénéficie notamment du soutien de son riche cousin, Ahmed Kadhaf al-Dam. Ancien dignitaire du régime, al-Dam se dit quant à lui convaincu de la victoire possible de son parent aux élections en décembre prochain.

La convalescence de l’Etat libyen et la mise sur pied d’institutions solides et démocratiques sont par ailleurs menacées par la situation sécuritaire encore fragile de la Libye. Après une décennie de crise quasi-continue, le pays reste en effet sous la menace de milices terroristes affiliées à Al-Qaïda et à l’Etat islamique qui ont profité de la division du pays pour s’implanter solidement sur le sol libyen.

La Libye doit aussi faire face à une criminalité galopante, et notamment à l’explosion du trafic d’êtres humains qui prospère sur la crise migratoire et l’absence d’Etat pour l’enrayer. Ces enjeux, qui débordent les frontières de l’Etat libyen, inquiètent la communauté internationale, qui s’apprête une nouvelle fois à se pencher au chevet du pays.

Un sommet réunissant douze pays dont les Etats-Unis et la Russie se tiendra à Berlin le 23 juin prochain. Ce rendez-vous, qui ambitionne de faire parler la communauté internationale d’une seule voix sur la situation en Libye, pourrait s’avérer crucial pour lever les blocages et faire repartir le processus démocratique dans le pays. Pourra-t-on sauver les meubles ? Wait and see !

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