L’ancien président de l’Afrique du Sud, le dernier président « blanc » de ce pays, le co-prix Nobel de la Paix 1993, avec Nelson Mandela, Frederick de klerk, a tiré sa révérence, le 1 novembre dernier, en son domicile de la banlieue du Cap. Il avait 85 ans et souffrait, depuis quelques années, d’un cancer du poumon.
Frederick de Klerk est honorablement connu pour avoir joué un rôle majeur dans le démantèlement du système d’Apartheid qui a régi la vie sociale et économique de ce pays, de 1948 à son abolition officielle, en 1991, et qui a consacré le principe d’un développement séparé des communautés noires, métisses, indiennes et blanches d’Afrique du Sud. Frederik Willem de Klerk est né à Johannesburg, dans l’ancienne « Union d’Afrique du Sud », en 1936.
Après des études de Droit, il entame une carrière d’avocat et devient, en 1950, membre du Parti National, qui légalise l’apartheid en 1948 ; il deviendra député en 1972, avant d’occuper, sans discontinuer, diverses fonctions ministérielles, jusqu’en 1989. Il est alors élu président du Parti National en 1989, année qui correspond à la 26ième année de prison de Nelson Mandela.
1989, c’est aussi la chute du Mur de Berlin, avec toutes les conséquences qui s’ensuivent dans monde politique international. Dans toute l’Afrique, un vent de renouveau souffle et les populations aspirent à la fin des régimes autoritaires et souhaitent plus de démocratie et plus de liberté.
L’Afrique du Sud n’échappera pas à ce mouvement collectif et aux pressions internes et externes qui s’exercent sur son gouvernement.
Monsieur de Klerk, en leader clairvoyant et pragmatique, réalise que son pays ne peut aller plus longtemps à contre-courant de la marche des peuples et de l’histoire, et prend la mesure, une fois élu président le 15 août 1989, des nouveaux défis auxquels il va devoir faire face.
La modification de la Constitution ; droits, et traitements égaux à tous les citoyens
Dès le 2 février 1990, soit 6 mois après sa prise de pouvoir, il annonce d’importantes décisions : la levée de l’interdiction des activités de l’African National Congress, « ANC », le parti de Nelson Mandela, ainsi que celle de 30 autres partis politiques, dont le Parti Communiste ; la fin de l’état d’urgence ; la suspension de la peine capitale, et la libération de tous les prisonniers politiques. Il fait la promesse d’une modification de la Constitution qui garantirait à chaque citoyen des droits, des chances et des traitements égaux.
Ces mesures qui bouleversent la donne sont annoncées dans un discours de 30 minutes prononcé devant le Parlement, une partie, en Anglais ; une autre, en Afrikans ; Ce discours, qui fait l’effet d’un coup de tonnerre, surprend la plupart des observateurs et des acteurs politiques ; seuls quelques rares initiés ont été prévenus, parmi lesquels, Nelson Mandela, bien évidemment.
Les deux personnalités s’étaient rencontrées, dans le secret le plus absolu, deux mois avant, en décembre 1989, au palais présidentiel, au Cap.
Pour assurer le caractère secret de cette rencontre, Nelson Mandela, après avoir été extrait de sa cellule de Robben Island, avait dû emprunter des voies situées dans le sous-sol du palais présidentiel afin de rejoindre le bureau de son hôte.
Une dizaine de jours plus tard, Nelson Mandela est libéré, à son tour.
Frederik de Klerk lance à qui veut l’entendre que « l’heure de la négociation a sonné ».
Et, effectivement, des discussions qui avaient débuté quatre ans plus tôt dans la discrétion la plus absolue, se poursuivent avec plus de détermination et une ferme volonté commune d’aboutir. La suite du processus qui conduira aux premières élections démocratiques et à l’avènement d’un noir à la tête du pays se présente comme ci-après :
- Le 30 juin 1991, l’apartheid est officiellement aboli et des négociations sont entamées pour l’établissement d’une constitution provisoire.
- En avril 1994, ont lieu les premières élections démocratiques. Nelson Mandela est élu président, par le nouveau parlement, alors que Frederick De Klerk et Thambo Mbeki deviennent ses deux vice-présidents.
- En 1996, monsieur De Klerk démissionne de cette fonction et met fin à sa carrière politique l’année suivante en quittant la direction du Parti national.
L’image et le prestige de Frederick De Klerk sont quelque peu écornés en raison d’un certain nombre d’attitudes qu’il a affichées et des propos qu’il a tenus, dans de nombreuses circonstances.
En effet, jamais, à aucun moment, malgré l’importance de son rôle dans les changements positifs que les sud-africains ont vécus, monsieur De Klerk n’a condamné ni renié le système d’apartheid. Frederick De Klerk est un homme convaincu du bien-fondé de ce système dans lequel il a vécu toute sa vie et qu’il a contribué à promouvoir. Il ne le remet pas en cause, même s’il reconnaît que de nombreuses souffrances ont été commises en son nom.
Même lors de la tenue de la « Commission Vérité et Réconciliation », dont les travaux se sont déroulés en 1995, monsieur De Klerk n’a pas manifesté de un réel repentir, et, à l’instar de son prédécesseur Pieter Botha, a catégoriquement refusé de demander l’amnistie.
Cette instance avait pourtant comme objet d’établir la vérité sur les événements qui avaient causé des douleurs à des millions de sud-africains pendant la période allant de 1960 à 1995. Elle visait aussi à établir les responsabilités et à permettre ensuite l’expression de la compassion et des regrets envers les victimes.
Une vidéo et des excuses posthumes.
Monsieur Frederick Willem De Klerk est resté impassible, inflexible devant la justice des hommes et n’a pas reconnu sa responsabilité personnelle dans le développement et la prospérité du système d’apartheid. Au crépuscule de sa vie, pourtant, sentant sa fin venir, a-t-il il a cru bon de rechercher le pardon de Dieu ?
Sans doute, car l’apartheid se fonde sur une philosophie qui défie le Créateur, en niant que c’est par la volonté créatrice divine que le monde, et l’Afrique du Sud, en particulier, était un seul et unique peuple, et qu’il était Arc-en ciel.