Le 37e sommet de l’Union africaine s’est clôturé le dimanche 18 février à Addis Abeba, en Éthiopie, sur un constat d’inquiétude pour l’Afrique face aux différentes crises qui secouent le continent.
Une trentaine de dirigeants du continent ont effectué le déplacement dans la capitale éthiopienne, pour évoquer pendant deux jours les crises qui secouent l’Afrique. En clôture du sommet, le Commissaire du Conseil paix et sécurité de l’Union est revenu sur une situation « très inquiétante » sur le continent. Pour Sidy Yansané, envoyé spécial de RFI, c’est le chef de l’État mauritanien et nouveau président de l’Union africaine, Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, qui a prononcé le mot de clôture du sommet, le lundi matin, dans une allocution relativement courte.
Il s’est appuyé sur l’éducation, qui constitue le thème des douze prochains mois de sa présidence, en rappelant la nécessité de lui accorder une grande importance afin de préparer les générations futures aux défis de notre siècle.
« Ensemble, nous avons tiré les leçons les plus importantes de la mise en œuvre de notre premier plan décennal et adopté le second pour les prochaines dix années, dans le cadre de la mise en œuvre de notre accord cadre 2063 », a-t-il expliqué.
Il précise : « Nous avons donc défini nos priorités pour la prochaine période. Il s’agit globalement d’accorder à l’éducation la plus haute attention, afin de construire des systèmes éducatifs offrant un accès complet à une formation de qualité et adaptés au XXIème siècle ».
Sécurité et stabilité sur le continent
Le président El Ghazouani a particulièrement insisté sur la restauration urgente de la sécurité et de la stabilité sur le continent. Une obligation, selon lui, pour pouvoir peser sur les grandes questions internationales.
L’Union africaine, qui fait désormais partie du G20, ambitionne d’obtenir un siège permanent au Conseil de sécurité des Nations unies. Le leader mauritanien a ainsi souligné la nécessité de renforcer l’Union et la coopération continentale, sans lesquelles l’Afrique ne pourra s’imposer sur la scène mondiale.
« Il s’agit également de redoubler d’efforts pour restaurer la sécurité, la stabilité et la résolution pacifique des conflits intra-étatiques », a-t-il ajouté.
Le nouveau président de l’UA a par ailleurs défini sa priorité sur le plan économique, qui passe, à son avis, par le renforcement d’un système multilatéral plus juste et plus équitable. « Nous allons nous concentrer par ailleurs sur la réalisation de la zone de libre-échange continentale et du programme d’infrastructures facilitant l’accès à cette zone ».
Six pays suspendus de l’UA, dont ceux du Sahel
La 37ème Conférence des chefs d’État et de gouvernement avait été marquée par le discours inaugural de Moussa Faki Mahamat, président de la Commission de l’Union africaine (UA), qui a profité de la dernière année de son mandat pour rappeler l’urgence politique et sécuritaire qui mine le continent et fragilise gravement ses institutions.
L’ambassadeur Bankole Adeoye, commissaire des Affaires politiques du Conseil paix et sécurité de l’Union africaine, a relayé l’inquiétude des chefs d’État et de gouvernement concernant la déstabilisation de plus en plus fréquente sur le continent, notamment les putschs militaires, faisant référence aux six pays suspendus pour s’être écartés de la voie démocratique, à savoir les trois pays du Sahel ainsi que la Guinée, le Gabon et le Soudan. L’Union africaine dit qu’elle applique une politique de zéro-tolérance concernant ces putschs.
« Si l’on prend la voie militaire plutôt que politique, la suspension est la sanction numéro un pour les changements anticonstitutionnels. C’est pourquoi le Conseil de paix et de sécurité a appliqué la mesure de suspension à l’égard des six pays, qui ont bafoué les valeurs et les principes fondamentaux de l’Union africaine en matière de démocratie au sein de l’UA ».
Mais il a aussi précisé que l’UA soutenait le processus de transition afin de restaurer l’ordre constitutionnel.
Soutien à une transition inclusive
« L’Union africaine ne fait rien qui ne sorte de son rôle. C’est pourquoi nous travaillons avec de nombreux acteurs, dont le PNUD, au lancement de ce que nous appelons la Facilité africaine de soutien à la transition inclusive en Afrique, qui promeut l’engagement sur la façon dont de nombreux États membres suspendus peuvent avoir une transition politique similaire, efficace et inclusive, et leur permettre de revenir au sein de l’Union africaine, à condition de respecter l’ordre constitutionnel et d’organiser des élections libres, équitables, crédibles et transparentes ».
L’ambassadeur Bankole Adeoye a tout de même rappelé que l’Union africaine a joué les observateurs pour 13 élections l’an dernier et qu’elle va le faire pour les 15 scrutins à venir cette année.
Preuve, selon lui, que le continent cherche à maintenir son chemin vers le renforcement des pratiques démocratiques.
Il a aussi exprimé la nécessité de rendre opérationnelle la Force africaine en attente (FAA), avant de saluer le travail de médiation du président angolais João Lourenço, dans le dossier brûlant des conflits dans l’est de la République démocratique du Congo, qui opposent Kinshasa et Kigali.
L’ambassadeur Bankole Adeoye a également rappelé la nécessité de restaurer la sécurité et la paix à travers le continent, notamment dans la région des Grands Lacs et au Soudan, dans la Corne de l’Afrique en passant par la Libye, le Sahel et le conflit entre la Somalie et l’Éthiopie.
Une tripartite pour débattre du conflit dans l’Est de la RDC et de la coordination des troupes du SADC
Parmi les dossiers complexes examinés en marge du 37ème sommet de l’UA figure notamment le conflit dans l’Est de la République démocratique du Congo qui connait un regain de violence à la frontière avec le Rwanda.
Les présidents congolais, Félix Tshisekedi, sud-africain Cyril Ramaphosa et burundais Evariste Ndayishimiye se sont à cet effet rencontrés le dimanche 18 à l’hôtel Hyatt.
Cette réunion tripartite avait pour but de faire le point sur le déploiement des troupes de la Communauté de développement de l’Afrique australe (Sadc) dans l’Est de la RDC, envoyées en fin d’année dernière dans la ville de Goma, actuellement menacée par les rebelles du M23.
Ce sont des soldats sud-africains qui sont arrivés les premiers pour appuyer l’armée congolaise dans ce conflit. Deux des militaires sont d’ailleurs tombés au combat autour de la ville de Sake, a annoncé Pretoria. Le Burundi a également envoyé du renfort dans la zone, dans le cadre d’un accord bilatéral avec la RDC.
Pression maximale sur Kagame
Selon l’annonce faite par la Cellule de communication de la présidence congolaise, la réunion des trois chefs d’État a servi à définir une meilleure coordination des opérations sur le terrain. Alors que deux jours auparavant, l’aéroport de Goma avait fait l’objet d’une attaque par des drones qui ont visé des aéronefs de l’armée congolaise ainsi que des avions civils. Les FARDC accusent le Rwanda voisin d’être derrière cette attaque, qui n’a fait que des dégâts mineurs.
La veille, les États-Unis ont fermement condamné l’escalade des violences causées par le M23, soutenus par le Rwanda, et ont appelé ce groupé terroriste à se retirer de Goma et de Sake.
Sans autre précision quant à son retrait complet du territoire congolais.
Néanmoins, les Américains ont aussi directement appelé Kigali « à retirer immédiatement tout le personnel des Forces de défense rwandaises de la RDC et à retirer ses systèmes de missiles sol-air ». Comme on le voit, l’étau se resserre de manière forte sur Paul Kagame et le Rwanda. Pour la Cellcom de la présidence congolaise, la tripartite a salué la détermination de tous les pays contributeurs des troupes de la SADC, au rang desquels l’Afrique du Sud et le Burundi, à exécuter leur mandat dans le cadre de la mission leur confiée dans l’Est de la RDC.
Cette rencontre a eu lieu quelques heures après le mini-sommet initié par le président angolais sur la situation sécuritaire dans la partie Est de la RDC, en vue d’évoquer entre autres le retour à un dialogue constructif et réconciliateur entre la RDC et le Rwanda, la cessation immédiate des hostilités, le retrait immédiat du M23 des zones occupées ainsi que le lancement du processus de cantonnement de ce mouvement. Une chanson maintes fois fredonnée sans jamais émouvoir Kagame.