Chaque 13 août, les Centrafricains fêtent leur date d’accession à l’indépendance. Une journée qui donne lieu à quelques commémorations et des commentaires de fierté sur les réseaux sociaux. Mais même si pour la première fois, l’année dernière, un défilé militaire s’est déroulé ce jour-là, les autorités préfèrent célébrer le 1er décembre. À cette date, tous les corps constitués de la société centrafricaine défilent devant le président, et de nombreuses cérémonies ont lieu à travers le pays.

« Nous sommes les seuls qui célébrons deux fois l’indépendance dans l’année », confirme Bernard Simiti, professeur d’histoire et chercheur à l’Université de Bangui, et ancien ministre de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur. Pour mieux comprendre, il faut se replonger près de 73 ans en arrière. Le « Oui » l’emporte très largement lors du référendum sur l’indépendance du 28 septembre 1958, dans les anciennes colonies françaises de l’Afrique équatoriale française (AEF) et de l’Afrique occidentale française (AOF).

Dans la foulée, Barthélémy Boganda, ancien prêtre devenu député, promoteur de l’indépendance en Afrique centrale, propose à ses pairs de l’AEF de créer un vaste ensemble fédéral regroupant les quatre pays qu’il propose d’appeler République centrafricaine. Mais ce rêve panafricain se heurte au refus de ses homologues, qui, « travaillés par la métropole » selon Bernard Simiti, refusent cette union.

Par dépit, Barthélémy Boganda proclame alors, le 1er décembre 1958, la création de la République centrafricaine, limitée aux frontières de l’ancien territoire de l’Oubangui-Chari. Il met en place les institutions et dotera d’un hymne et d’une devise ce nouveau pays dont il est le premier président éphémère. Il meurt en effet officiellement dans un accident d’avion le 29 mars 1959, dans des circonstances qui demeurent toujours troubles. Son neveu David Dacko le remplace à la tête du gouvernement de la République centrafricaine. Il en devient le premier président l’année suivante au moment de son indépendance. 

« Si Boganda n’avait pas disparu, selon moi, le 13 août n’aurait pas existé, poursuit le Pr. Bernard Simiti. Le 13 août faisait en effet partie de l’agenda de De Gaulle et Barthélémy Boganda ne voulait pas de ça. Pour lui, le 1er décembre était l’aboutissement de la lutte politique, et une manière de dire à ses pairs africains : ‘L’Union que je vous ai proposé et que vous avez refusé, et bien vous vous en souviendrez’. « Aujourd’hui, ajoute-t-il, amer, je crois que Barthélémy Boganda doit se retourner dans sa tombe. Depuis l’indépendance, il y a eu la création de la CEEAC et d’autres organisations régionales. Ce sont les idées revisitées de Boganda en quelque sorte. »

Hissen Chaïd

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